L’actu vue par

Jean-François Kahn, journaliste, auteur de Mémoires d'outre-vies, Tome 2 : Malgré tout, on l'a fait, on l'a dit aux éditions de l'Observatoire, revient sur les grands sujets de la semaine.

La monstruosité du conflit en Ukraine avec le crime de guerre imputé à l’armée russe à Boutcha.

J’entends dire, avec raison, qu’il s’agit d’un « crime de guerre ». Mais je suis toujours surpris par cette expression. Pour moi, la guerre est un crime.

Le recours massif de l’exécutif au cabinet McKinsey.

Tous les gouvernements font appel à ce genre de cabinets privés, me semble-t-il. Cela aurait coûté un milliard d’euros, dit-on. Et c’est la droite sénatoriale qui a lancé cette polémique. Je ne savais pas qu’elle était hostile au privé (sourire). Quand je pense à la façon dont la droite s’est déchaînée contre l’ENA, dont les anciens élèves devenus hauts fonctionnaires doivent effectuer ce type de tâches ou de missions. C’est étonnant de penser que vu le nombre de fonctionnaires que l’on a en France, il faille demander au privé de faire ce travail. Quant à Éric Zemmour qui assure que, lui, président, il n’aurait pas recours à ces cabinets, je pense qu’il ferait mieux de les utiliser, vu le nombre de conneries qu’il dit.

La campagne présidentielle qui mobilise peu les Français.

Comme souvent, on rendra responsables du scrutin les abstentionnistes. Mais tout d’abord, cette campagne s’est déroulée à une période où les Français ont été mobilisés par le covid puis par la guerre en Ukraine. Ensuite, les journalistes ont répété que l’on nous imposerait un face-à-face du second tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Mais rien ne force les Français à voter pour eux. Et si ce duo est au second tour, c’est la configuration la plus dangereuse pour Emmanuel Macron. Enfin, les journalistes ont trouvé honteux qu’il n’y ait pas de débat. Mais personne ne les a empêchés et ceux qui ont eu lieu, notamment Valérie Pécresse face à Éric Zemmour, étaient nuls. La campagne est mauvaise car les acteurs le sont. Ils considèrent une campagne comme une guerre civile froide où l’autre incarne l’horreur absolue. Mais quand Valérie Pécresse s’en prend au gouvernement, elle oublie que les ministres d’envergure viennent souvent des Républicains. Et elle coule dans les sondages…

L’entrée en campagne et la communication du candidat Emmanuel Macron.

C’est la tactique qu’il a choisie et elle me semble catastrophique. Même si la retraite à 65 ans me paraît inévitable, elle est très impopulaire, comme l’annonce d’heures de travail pour le RSA. Ces mesures ravivent l’image du candidat des riches à l’heure où les Français sont obsédés par leur pouvoir d’achat. Quant à la durée de ses meetings, je ne comprends pas leur longueur. Tout le monde lui dit de faire plus court. Il n’entend personne.

Le nombre important de Français encore hésitants sur leur vote.

Avant, ce qui structurait l’engagement politique, c’était l’implication dans un parti de droite républicaine ou de gauche républicaine. À partir du moment où les deux s’effondrent, les gens sont intellectuellement déstructurés. Au mieux, ils ne savent plus pour qui voter. Et au pire, ils deviennent fous, comme je le vois parfois en lisant les commentaires sur les sites internet des journaux. Ces derniers mois, j’ai envoyé trois tribunes au Figaro. Je m’alarmais de la radicalisation de la droite, qui allait tuer la droite. De même, j’ai envoyé trois tribunes au Monde sur l’effondrement de la gauche. Aucune n’a été publiée. Pourtant, dans le tableau qui se dresse devant nos yeux, je vois ce que je redoutais, c’est-à-dire la disparition de la droite et de la gauche modérées, et la montée de l’extrême droite et de l’extrême gauche.

La campagne vidéo du collectif Sista interrogeant huit dirigeants comme s'ils étaient des femmes.

Elle est d’autant plus astucieuse et réussie qu’elle n’est pas excessive. On prend conscience du caractère sexiste des questions, qui vont crescendo. Dans les journaux que j’ai dirigés, j’ai toujours recruté les meilleures personnes pour chaque poste et la conséquence a été qu’il y avait beaucoup de femmes…

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