Portrait

C’est la dernière campagne présidentielle commentée par Alain Duhamel. Le journaliste a commencé en 1965 en étant le premier en France à commenter les sondages. Histoire d’un podcaster venu de l'ORTF.

« Presque jusqu’au bout il a voulu être le président et pas du tout le candidat… ». Sur son podcast Les Conquérants, consacré aux campagnes des présidents de la Ve République, Alain Duhamel, 82 ans, ne parle pas de Macron mais de VGE, qu’il trouve « éblouissant » en 1981, lorsqu’il lui expose dans son avion, devant une poignée de journalistes, ce que serait son deuxième mandat alors qu’il « sait qu’il a déjà perdu ».  Pour sa dernière livraison, consacré à « Emmanuel Macron l’audacieux », l’éditorialiste de BFMTV voit dans le candidat de 2017 un « bourgeois anti-bourgeois » qui, au terme de son mandat, « a pu profiter de la déconstruction politique mais n’a pas du tout pu reconstruire un autre système », ce qui en fait « une étoile sans galaxie ».

Le 24 mars, dans son petit bureau de la chaîne d’info, le journaliste assure que le président fait une « mauvaise campagne » : « Il n’innove pas assez… ». Quant au podcast, il n’en écoute pas. Pas plus qu’il ne va sur internet ou n’écrit de mail. « Pour les réseaux sociaux, on me tient informé », précise-t-il. Mais alors à quoi sert l’écran devant lui ? « Ce n’est pas un ordinateur, c’est un téléviseur ». Dans son podcast, il ne sait donc pas très bien ce qui a été retenu de ses confidences lâchées au gré de sa conversation avec Maxime Switek. « Je ne me suis pas censuré », assure-t-il simplement. Si on retrouve bien le dîner avec un Strauss-Kahn « enthousiasmant et enthousiaste » avant sa chute à New York, ou l’appel de Nicolas Sarkozy, vingt minutes avant son débat du second tour face à Hollande, nulle trace de cette demande de l’Élysée de ne pas poser de question sur l’affaire des Diamants…

Moments d'anthologie

Giscard et les Diamants, Mitterrand et la peine de mort,  les débats d'entre deux tours, Sarkozy songeant à la présidentielle « pas simplement quand je me rase » : à chaque fois Alain Duhamel est à l’origine de moments d’anthologie des acteurs de la vie politique sous la Ve. « Je suis un tout petit pan de leur mémoire », sourit-il de ses yeux turquoise. « Il est capable de vous raconter l’élection de De Gaulle comme si elle avait eu lieu hier soir », assure Hervé Béroud, directeur général délégué d’Altice Media qui, avec Marc-Olivier Fogiel, l’a fait venir. Les présidents passent, lui reste. Il fut le premier à commenter les sondages en 1965, dans Le Monde, il est encore là ce 10 avril 2022, sur le plateau de BFMTV, à augurer une « bataille des rejets » quelques minutes avant les résultats de 20 heures.

Loin de jouer les professeurs émérites ou les essayistes académiciens, Alain Duhamel est de plain-pied dans cette rédaction où, reconnaît-il, la plupart des journalistes pourraient être ses « petits enfants ». François Pitrel, président de la Société de journalistes de BFMTV, décrit un homme « très bienveillant, pas du tout hautain et hyper en forme, qui joue encore au tennis ». Il prépare ses interventions via de petites notes très structurées sur papier qui demeurent invisibles lors de ses interventions à l’antenne, aussi bien dans l’émission de la mi-journée de Pascale de La Tour du Pin qu’en soirée sur la tranche Marschall-Truchot de 19h. Si le journaliste n’est plus dans l’exercice du chroniqueur qui apprenait par cœur son papier sur RTL, il se love dans le rythme de l’info continue pour distiller formules et commentaires politiques en plateau. « Il a accepté de se remettre en cause à près de 80 ans avec enthousiasme pour se prêter au moulin de l’info car il considérait que le média de notre époque était BFMTV », souligne Hervé Béroud. Seule exigence : pouvoir bénéficier d’un bureau fermé pour qu’il puisse préparer ses interventions.

« Souplesse incarnée »

Après avoir inventé en 1982 le concept de L’Heure de vérité, émission politique qui dura treize ans, Alain Duhamel ne mène plus d’interviews. Il préfère s’exprimer lui-même sur la vie politique. Avec des règles bien claires sur son métier : « Je tiens totalement parole en disant qu’un off est un off et je suis probablement le dernier », assure-t-il. À BFMTV, son neveu Benjamin Duhamel rappelle qu’il est « extrêmement rigoureux sur les faits et n’apprécie pas l’approximation ». À ce titre, avoue-t-il, « ce n’est pas la souplesse incarnée », ayant « un rapport presque ascétique » à l’information.

Certains sont plus sévères en décrivant un homme fasciné par le pouvoir qui dîne volontiers avec les puissants. Alain Duhamel l’assume : « On ne comprend rien à la politique si on n’en connaît pas bien les acteurs et si on n’a pas l’occasion d’en parler avec ceux qui en sont les initiateurs avant que ce ne soit public ». Sa longévité et sa capacité à rebondir d’un micro à une chronique en ont fait la cible des critiques du système médiatique. Il sait qu’il aggravera son cas en recommandant la retraite à 65 ans après… 59 ans de carrière médiatique.

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Parcours

1962. Diplômé de Sciences Po

1963. Chroniqueur au Monde

1970. À Armes égales, ORTF

1974-1999. France Culture et Europe 1

1977. Cartes sur table, Antenne 2

1982-1995. L’Heure de vérité, France 2

1999. Chroniqueur à RTL

2010. Débat avec Jean-Michel Aphatie sur RTL

2013. Intègre la tranche de Marc-Olivier Fogiel sur RTL

2019. Rejoint BFMTV

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