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Expert associé à la fondation Jean Jaurès, auteur des Nouveaux masques de l’extrême droite, aux éditions de L'Aube, Raphaël Llorca revient sur les grands sujets de la semaine.

Marine Le Pen qui se pose en candidate d’« union nationale » avec une affiche qui se résume à son image et à un slogan.

Elle joue à front renversé par rapport à 2017 : c’était Macron le candidat de l’unité nationale, du front républicain, et Marine Le Pen qui portait les germes de la division. Elle cherche à installer le match inverse : elle attaque celui qui a divisé les Français, qui a éborgné les Gilets jaunes, et promet un gouvernement d’union nationale. Elle appelle à « faire barrage » contre Macron en se permettant de renverser cette expression et en pariant que c’est « une métaphore morte », comme disait Paul Ricœur. Quant à son affiche, elle n’a pas de logo, personne ne la signe, la sous-marque Marine n’est même plus présente. Ce slogan « pour tous les Français », confirme qu’elle se met dans le même champ sémantique que le président candidat. On avait deux styles, deux postures, deux manières d’exister de façon oratoire. Elle donne à voir un face-à-face beaucoup moins tranché.

La campagne d’Emmanuel Macron au contact des Français.

Valeurs actuelles avait parlé de « campagne Potemkine », en lui reprochant d’esquiver les débats. On avait l’impression qu’il ne mouillait pas la chemise. Là, il s’agit de montrer qu’il est à portée de baffe, qu’il va faire un travail de conviction auprès de ceux qui ne sont pas convaincus. On sait le rôle des images : donner à voir un président ferme mais empathique, qui est capable de répondre à la campagne thérapie de Marine Le Pen. Mais c’est une stratégie du risque. Cela lui demande une maîtrise de tous les instants et il n’a pas droit à l’erreur. C’est là encore un match retour : entre Macron qui est à l’attaque, prêt à « aller à la castagne », et Le Pen qui pointe la « brutalité inutile » du président.  La campagne est dans la neutralisation de l’autre. Les deux cherchent à faire barrage.

LCI qui lance un débat intitulé « Marine Le Pen est-elle d’extrême droite ? »

Certains journalistes ont ferraillé pour montrer que Zemmour était d’extrême droite alors que politiquement, idéologiquement, philosophiquement, c’était une évidence. De fait, Marine Le Pen est beaucoup moins radicale. Le spectre du dicible et de l’acceptable s’est ainsi élargi. C’est ce qu’a montré la fenêtre d’Overton : le fait même de poser le débat légitime. Il y a donc une énorme responsabilité des médias. Il ne faut pas négliger la stratégie de décollement de cette étiquette d’extrême-droite. En 2013, elle menaçait déjà d’attaquer tout journaliste qui lui accolerait. Depuis, elle a réussi à imposer le masque de la femme cabossée, qui a eu des épreuves dans sa vie.

Le débat de l’entre-deux-tours le 20 avril.

Il a une importance qu’il n’a jamais eu dans l’histoire de la Ve République. On voit une énorme hésitation, le transfert de voix fluctue beaucoup. L’opinion se cristallisera très tard et le match est beaucoup plus serré que d’habitude. Concernant l’organisation du débat lui-même, il y a toujours des tractations sur mille et un détails comme les plans larges. L’identité des journalistes en fait partie. Jordan Bardella assume le rejet d’Anne-Sophie Lapix comme Marine Le Pen assume le refus des journalistes de Quotidien à ses conférences de presse. C’est une constante historique : l’extrême droite restreint la liberté de la presse.

RSF qui dépose un recours contre l’Arcom au Conseil d’État en raison des manquements de CNews.

RSF le justifie, avec 13 % du temps d’antenne qui va à l’information par rapport au débat. Je m’interroge sur le timing. CNews ne fait pas l’élection. Ne fallait-il pas avoir cette action au plus fort de la campagne d’Éric Zemmour cet automne. C’est à ce moment-là qu’il fallait saisir le Conseil d’État.

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