PHOTOJOURNALISME

Montrer en images l’impact de l’humain sur la nature précieuse et fragile. Plutôt que des catastrophes et autres inondations ou sécheresses.

Dans le cadre du Festival Visa pour l’image qui se tient à Perpignan jusqu’au 11 septembre, des photographes font le choix de montrer les splendeurs d’une nature vulnérable et l’impact de l’humain sur ses richesses, avec des approches différentes, mais un même but : susciter l’émotion pour réveiller les consciences.

« Il y a un réel problème de disparition des animaux […] Et notre rôle comme photographes est de partager, communiquer. Alors je montre la beauté qui existe sur la planète, dont on ne prend pas soin, bien que tout soit lié, l’humain, la nature », explique Alain Ernoult, photographe français de 66 ans.

Son exposition « La Sixième Extinction », fruit de quatre ans de travail, est présentée à Visa pour l’image à Perpignan. Les dégâts sur l’environnement et le dérèglement climatique causés par l’activité humaine sont un des grands thèmes de la 34e édition de ce festival majeur du photojournalisme.

Quand Alain Ernoult « shoote en couleur, puis travaille le noir et blanc pour un meilleur rendu » de ses portraits d’animaux, George Steinmetz expose ses « Pêches mondiales » en plein air et en formats géants aux tons éclatants, pris du ciel, pour « transmettre l’ampleur de ce que les humains sont en train de faire : mettre à sac la vie de l’océan ».

Dénoncer le saccage

« Les gens doivent savoir qu’il y a de la surpêche. C’est comme presser une éponge de plus en plus fort, jusqu’à en extraire la dernière goutte d’eau ! », déplore cet Américain de 64 ans, qui vit dans le New Jersey. Géophysicien de formation, il s’est pris de passion pour la photo il y a une quarantaine d’années lors d’un voyage en auto-stop en Afrique.

Surnommé le « photographe volant », d’abord en parapente motorisé et maintenant avec un drone, il travaille depuis neuf ans sur la surexploitation de la Terre pour alimenter l’humanité, projet global dont font partie les photos de son exposition.

Tout a commencé avec « une commande du magazine National Geographic pour un dossier intitulé "Neuf milliards à nourrir" », a-t-il expliqué à l’AFP.

Alain Ernoult, qui à 14 ans a quitté l’école pour l’usine « sans savoir lire, ni écrire parce que dyslexique », s’achète son premier appareil trois ans plus tard et part, en auto-stop aussi, de sa Normandie natale pour aller à la rencontre des Dogons au Mali.

Il a couvert, entre autres, plusieurs conflits : le Tchad, le Golfe, la Bosnie, puis « il y a sept ou huit ans, l’Afghanistan où j’ai vu des horreurs, un père faire exploser son fils à un poste de contrôle américain. Là, j’ai dit : j’arrête ! »

S’il est sur un autre front, celui de la défense de la planète, c’est avec la même philosophie. « Même dans les guerres, je n’ai jamais photographié les morts, ni les misères. Je préfère les choses positives, qui vont susciter un regard différent. Je pense que cela a plus d’impact à terme. »

Changer les choses

De l’Afrique du Sud à la Tanzanie, du Canada à la Finlande, du Japon à l’Amazonie, il a capté lions, girafes, éléphants, ours blancs, iguanes, buffles… prenant tout le temps pour rendre la profondeur du regard d’espèces menacées, « choisies par rapport à leur vulnérabilité ».

« Mais je n’impose pas la photo à l’animal, c’est l’animal qui me la donne […] Je pars de loin et petit à petit, je me rapproche, je lui parle et, à un moment, il m’accepte, apaisé. C’est un échange et c’est comme ça que je capte l’émotion, la puissance et la douceur en même temps », explique-t-il.

Il se souvient en riant de deux heures à attendre allongé dans la neige par -35° que des rennes viennent au plus près, ou d’une « bonne claque » d’un gorille moins séduit par l’objectif.

Sa démarche intimiste, en plans serrés, contraste avec les surplombs de son confrère américain des gigantesques bateaux dans les eaux d’Alaska ou de Taïwan, les immenses filets des femmes au Mozambique, ou les myriades de pirogues en partance pour une campagne du poulpe, à Nouadhibou, l’un des plus grands ports de pêche du monde en Mauritanie.

Mais ainsi que l’explique George Steinmetz, « c’est mieux d’aller aux extrêmes quand on veut mettre en valeur un sujet », Alain Ernoult se disant persuadé aussi que « l’image est un moyen de provoquer l’intérêt et changer les choses ».

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