Télévision

Le mariage n'aura finalement pas lieu : TF1 et M6 ont annoncé vendredi 16 septembre 2022 l'abandon de leur projet de fusion, jugeant qu'il ne présentait « plus aucune logique industrielle », un coup de théâtre après des mois d'incertitude.

L'union entre la première et la troisième chaînes du paysage audiovisuel français aurait pu faire émerger un mastodonte, dépassant France TV, avec plus de 30% de part d'audience et représentant les trois quarts du marché publicitaire de la télévision. Mais en raison des concessions réclamées par l'Autorité de la concurrence, notamment la cession de la chaîne TF1 ou de la chaîne M6, les quatre parties impliquées ont jeté l'éponge.

Puisque « seuls des remèdes structurels concernant a minima la cession de la chaîne TF1 ou de la chaîne M6 seraient de nature à permettre l'autorisation de l'opération, (...) le projet ne présentait plus aucune logique industrielle », ont estimé Bouygues et sa chaîne TF1 ainsi que M6 et RTL Group.

L'Autorité de la concurrence, qui a pris acte de l'annonce, avait mené début septembre, à huis clos, deux jours d'auditions des parties intéressées par la fusion, et devait rendre sa décision mi-octobre. Ses services d'instruction avaient alors réitéré leur position de fin juillet, plutôt défavorable. Le gendarme de l'audiovisuel, l'Arcom, a également pris acte de la décision de vendredi. Début septembre, il avait validé l'acquisition par l'opérateur Altice des chaînes TFX et M6 Génération (6ter), dont les groupes TF1 et M6 souhaitaient se séparer afin de pouvoir fusionner. Ce rachat était conditionné à leur mariage.

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Autre conséquence, l'Allemand Bertelsmann, actionnaire de RTL Group, devra trouver au plus vite un nouvel acquéreur pour M6 car l'autorisation d'émettre de la chaîne expire en mai 2023. Une fois celle-ci renouvelée, tout changement d'actionnaire sera interdit pendant 5 ans. Depuis son annonce en mai 2021, le projet de fusion divisait le secteur. Certains soutenaient l'union face à la concurrence américaine et notamment les acteurs du streaming (Netflix, Disney, Amazon ou même YouTube et Tiktok).

Le succès de Netlix, qui prévoit comme son homologue Disney+ de lancer dès cette année une offre moins chère financée par la publicité, servait notamment de justification à l'opération. D'autres, comme l'Union des marques qui représente les annonceurs, s'inquiétaient de l'influence d'un mastodonte de la télé qui risquait de limiter la concurrence sur le marché de la publicité.

Les quatre parties concernées ont déploré dans leur communiqué « que l'Autorité de la Concurrence n'ait pas pris en compte l'ampleur et la vitesse des mutations du secteur de l'audiovisuel français », soulignant que la fusion aurait été « une réponse appropriée (...) à la concurrence accélérée avec les plateformes internationales ».

Comme pour répondre à ces inquiétude, l'Autorité de la Concurrence a rappelé que « la télévision reste un média très puissant », y compris auprès « des personnes âgées de 25 à 49 ans, qui constituent la principale cible commerciale des annonceurs ». Le développement des plateformes « ne permet pas, à un horizon prévisible, de remettre en cause cette puissance », a-t-elle indiqué.

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Mais l'abandon de la fusion suscite déjà des critiques, le directeur général de la SACD, qui représente les auteurs, estimant que l'Autorité de la concurrence gérait ses dossiers « avec les yeux dans le rétroviseur ». « Quand on pense aux contraintes imposées à Salto qui fait face à Netflix Disney et Prime video mieux vaut rire que pleurer », a tweeté Pascal Rogard.

Quelques heures avant l'annonce de cette décision, Thomas Valentin, vice-président du directoire de M6, avait prévenu qu'on était « dans un marché ultra-compétitif », en comparant l'arrivée des plateformes avec un scénario qui aurait vu toutes les grandes chaînes américaines arriver en France d'un coup il y a vingt ans. Bien avant l'abandon de la fusion, Delphine Ernotte, patronne de France Télévisions et alliée à TF1 et M6 dans la plateforme de streaming Salto, avait affiché son soutien au rapprochement de ses deux concurrents. « Si demain les offres privées se délitaient (...), c'est tout le média télé qui tomberait, et nous avec lui », avait-elle martelé.

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