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Les télévisions du Sud face au pouvoir
15/06/2001À l'initiative de RFO, les télévisions africaines et insulaires se réunissent la semaine prochaine à Paris pour mieux se faire connaître. Enquête sur leurs rapports au pouvoir politique.
Monsieur le Président, je vous fais une télé, que vous verrez peut-être...»Les rencontres internationales Images du Sud, qui se réuniront sous la présidence d'Hervé Bourges les 19 et 20juin à l'Unesco, à Paris, récompenseront le meilleur présentateur de JT et le meilleur documentaire du Sud. Partenaire de cette manifestation,Stratégiesen profite pour observer l'image que renvoient les journaux télévisés de leur tutelle politique. De l'allégeance institutionnelle au président en place au professionnalisme de la télévision mauricienne, les télévisions du Sud sont multiples. Malgré une pauvreté de moyens, elles s'efforcent d'avoir leur production d'images, quitte à s'assurer l'appui des chaînes françaises (RFO, CFI, France Télévision, etc.) pour des sujets régionaux et internationaux.
Congo : Mon beau miroir
Dépourvu de ressources, le JT congolais est un fidèle miroir des institutions. On y prise les séances du Parlement en multipliant les vues de l'assistance, sans doute à l'intention des dignitaires qui se regarderont par la suite. Un reportage pour la pose de la première pierre du nouvel aéroport de Brazzaville est l'occasion d'écouter longuement le «ministre résident» faire une ode au président Denis Sassou Nguesso(«C'est mal vous connaître que de penser que vous pourriez ne pas faire ce que vous avez dit»).Une interview d'un homme d'affaires, en tee-shirt à l'effigie de Sassou Nguesso, complète le reportage. Les images font parfois preuve d'un cruel décalage avec les mots: une «assemblée générale» dotée d'un «bureau fédéral» et d'un «conseil exécutif» se résume à vingt personnes installées sur des chaises de jardin. De l'actualité de la région, de la vie du peuple, le JT congolais ne souffle mot. Mais il reprend les propos d'un député sur la presse,«relais décisif des citoyens».Cameroun : Télé Biya
Télé camerounaise ou télé Biya? Le président de l'État camerounais est partout sans être physiquement présent. Sur une vue d'affiche électorale, dans la «confiance exprimée au chef de l'État» lors d'une session parlementaire, ou encore via son «intronisation au poste de superviseur général de l'appel à la générosité publique». Quand ce n'est pas lui, c'est son épouse, Chantal Biya, qui a les honneurs du JT. Tailleur blanc, cheveux lisses, la présentatrice, elle, ne semble pas vraiment dans son élément. Heureusement, elle se dégèle un peu avec une réalisatrice interviewée sur le plateau, une statuette tribale à la main. Jacques Chirac, filmé pendant les assises de Yaoundé, a droit à davantage de désinvolture que Biya.«Il m'a fallu beaucoup de détermination pour réussir à...»,dit-il, avant d'être coupé.Mali : Un peu d'information
Un Bic décapuchonné entre les mains, le présentateur commence son journal avec l'arrivée de trois épouses de chefs d'État africains à Bamako, pour un congrès sur les femmes. Suit une allocution de cinq minutes, montre en main, de madame Ba Konaré, la femme du président malien. Il y a certes un peu d'information, comme cette saisie par la douane de «marijuana communément appelée tabac». Mais comme beaucoup de ses consoeurs, la télé malienne apprécie trop les espaces clos. Une conférence sur l'information témoigne pourtant que«la crédibilité au sein du public est encore la meilleure protection dont elle puisse bénéficier».Maurice : De la vraie télévision
Enfin de la vraie télé. Un habillage moderne, une brillante présentatrice qui ressemble à une Anne Sinclair en sari... Le JT mauricien est construit et dynamique. Le journal ouvre sur un séisme au Japon, ne néglige pas les images spectaculaires comme une saisie de drogue par hélicoptère, s'intéresse à un scandale d'attouchement sexuel dans un collège ou à l'équipement informatique des écoles. Elle use aussi intelligemment des images de France2, France3 et d'Euronews.Haïti : Sobriété avant tout
Le décor est d'une sobriété absolue. Sitôt après le lancement des titres, un écran de publicité interrompt le cours du journal. Le spot Sogabank montre comment «emballer» les filles avec le bolide payé grâce au crédit d'épargne. Une «manifestation pacifique» avec des slogans hostiles au président Jean-Bertrand Aristide est couverte. Pas de doute, nous ne sommes pas dans de la télévision présidentielle. Reste un sentiment diffus d'immobilisme que confirme le manque d'entrain de la caméra.Madagascar : Pas de contradiction
Le JT malgache commence avec la conférence Success Stories du salon First BtoB. Des sujets comme le statut des enseignants chercheurs côtoient des reportages d'intérêt général tel le port de lunettes de protection contre l'éclipse solaire. La télévision tend abondamment le micro au président Ratsiraka, qui vient de placer trente sénateurs de son bord et supporte mal la contradiction.«Madagascar connaît actuellement un développement»,dit le vieux président arrivé au pouvoir en 1976 et dont le pays s'est appauvri depuis un quart de siècle. Au détour d'une phrase, une petite perfidie toutefois dans la citation:«Si je voulais, je voudrais avoir trente-cinq ans, a déclaré le chef de l'État. Sans commentaire, a-t-il commenté.»Burundi : Télévision citoyenne
C'est sans doute le JT le plus insolite. Il s'engage sur la rumeur... d'un sommet sur la sécurité dans la région. Aussitôt après, démenti immédiat du «ministre du Processus de paix». Comme dans beaucoup de télévisions africaines, le journal burundais apprécie les conférences pleines d'espoir sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Mais il ne craint pas non plus de montrer la réalité la plus crue, comme dans ce reportage sur un tribunal où«quand il pleut, la salle est débordée car les caniveaux de devant sont bouchés».De même, la télévision burundaise n'hésite pas à filmer des tas «d'immondices» pour témoigner du peu d'efforts faits pour rendre la ville de Bujumbura propre. De la télévision citoyenne avec les moyens du bord.Burkina Faso : Conscience sociale
De la télévision vraiment sérieuse et responsable. Elle multiplie les reportages sans prétendre réaliser des prouesses techniques. Le journal télévisé s'ouvre sur l'obtention par l'État burkinabé d'une importante réduction des prix concernant les bi et trithérapies à destination des 7,5% de la population infectés par le VIH. Ensuite, la caméra suit une réunion de femmes pour une meilleure représentation politique de celles-ci, traite d'une mauvaise campagne agricole annonciatrice d'une disette, des revendications du Parlement des enfants ou encore des associations de handicapés physiques. De même, elle milite avec courage contre l'excision,«problème de santé publique et atteinte aux droits de la femme».Un JT à forte conscience sociale.