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Bertrand Méheut : « TF1 a abusé de sa position dominante »
02/10/2003Le président du directoire du groupe Canal+ estime que le projet de chaîne d'information internationale présenté par Bernard Brochand renforce la position dominante de TF1 dans le domaine de l'information.
Vous venez d'annoncer de bons résultats au premier semestre 2003. Considérez-vous que le groupe Canal+ est aujourd'hui viable sur le plan économique ?
Bertrand Méheut.Nous avons fait un travail considérable, qui nous a permis de sortir le groupe d'une situation de pertes qui perdurait depuis 1996. À fin juin 2003, nous présentons un résultat d'exploitation de 245 millions d'euros, dont environ 100 millions d'euros de résultats non récurrents. Ceci est de bon augure. Est-ce suffisant pour garantir l'avenir de la chaîne ? Pour 2004, je suis très confiant. Il nous reste à réussir le développement de nos abonnements. Ils sont en augmentation sur le groupe, mais encore en diminution sur la chaîne premium.
Y a-t-il sur ce point des signes encourageants ?
B.M.Oui. En septembre, pour la première fois depuis sept ans, nous avons augmenté de quelques points le nombre d'abonnés à Canal +. Je reste très prudent. Inverser une tendance, surtout avec une forte inertie, n'est jamais facile. L'an prochain, nous prévoyons encore une baisse du nombre des abonnés, mais plus faible que celle de 2003 [130 000].
Sur le plan des programmes, miser sur le clair, n'est-ce pas un peu paradoxal pour une chaîne cryptée ?
B.M.Sur Canal +, le coût de la grille est de 1 milliard d'euros. Le clair représente environ 10 % de ce montant, pour 25 % du temps d'antenne. En net, avec les recettes publicitaires, ce coût est inférieur à 3 % du coût de la grille. Près d'un abonné sur trois vient chez nous en raison de la qualité des émissions en clair. Si la vitrine n'est pas bonne - et elle n'était pas assez bonne - cela ne suscite pas l'envie de s'abonner. Il faut faire venir des gens et conserver nos abonnés, qui ont la sensation d'appartenir à un « club ».
Confirmez-vous un abandon de créances de 3 milliards d'euros de Vivendi Universal sur le groupe Canal + ?
B.M.Le conseil d'administration de Vivendi Universal a approuvé une recapitalisation du groupe Canal+ à hauteur de 3 milliards d'euros dans un horizon de neuf mois. C'est une excellente nouvelle, qui montre que nous avons su retrouver la confiance de nos actionnaires. Avec un résultat d'exploitation positif et une situation financière saine à la suite de cette recapitalisation, nous serons en meilleure santé pour nous développer. Nous avions 5 milliards d'euros de dettes à la fin 2002. Cette dette a été réduite de 1 milliard d'euros entre temps. Elle sera inférieure à 1 milliard d'euros dans quelques mois.
Avez-vous discuté avec le groupe Lagardère d'une entrée au capital de Canal + ?
B.M.Depuis 2002, il n'y a eu aucune discussion avec le groupe Lagardère. Prétendre le contraire est un pur fantasme. Lagardère est notre partenaire dans CanalSatellite, Multithématiques et Lagardère Thématique. Il s'agit d'une collaboration très cordiale, cependant limitée au niveau de ces filiales. Il n'y a pas pour l'instant d'évolution envisagée, mais nous sommes toujours ouverts à toute discussion sur l'évolution de ces prises de participation. Je vous le rappelle, le groupe Canal+ n'est pas à vendre.
Le gouvernement demande un droit de regard sur les fichiers d'abonnés à la télévision payante pour lutter contre la fraude à la redevance. Vous devriez comprendre cela, puisque vous luttez aussi contre les fraudeurs...
B.M.Nous sommes une société privée. Notre vocation n'est pas de faire du recouvrement fiscal. Nos abonnés s'attendent à une certaine confidentialité de notre part. C'est le moindre des respects que de la leur accorder. L'objectif de la lutte contre les fraudeurs doit être concilié avec la protection des données personnelles comme vient de le rappeler avec force la Commission nationale informatique et libertés (Cnil). Il ne faut pas faire un amalgame entre la fraude à la redevance, que je regrette, et la piraterie, qui est un manque à gagner, y compris pour nos abonnés.
TF1 n'a-t-il pas pris une longueur d'avance sur Canal+ en annonçant le lancement commercial de son offre de télévision en ADSL à la fin de l'année ?
B.M. En termes de communication, oui. Nous souhaitons développer nos chaînes par tous les moyens technologiques. L'ADSL en est un, comme en ont témoigné nos expérimentations. Il y aura donc une offre Canal+ en ADSL lors du lancement de l'offre de TPS.
Vous avez déposé une plainte contre le groupe TF1, TPS et LCI devant le Conseil de la concurrence pour abus de position dominante sur l'information. Qu'est-ce qui fonde cette action ?
B.M.Le groupe TF1 a abusé de sa position dominante en privilégiant sa filiale LCI par l'intermédiaire de sa filiale TPS et en évinçant I-télé de son bouquet numérique.
Dans son rapport au gouvernement, Bernard Brochand préconise une alliance entre France Télévisions et TF1 pour la future chaîne d'information internationale. Cela a-t-il joué un rôle dans votre décision de porter plainte ?
B.M.En tout cas, cela renforce notre plainte. Nous avons postulé à cette chaîne en envisageant différents types de partenariats. Notre offre était considérée comme professionnelle, bien réfléchie et attractive... Si ce projet voyait le jour, il ne manquerait pas de constituer un nouveau renforcement de la position dominante de TF1 en matière d'information.
Pourquoi un audit de Studio Canal a-t-il été lancé pour octobre ? Et où en est la cession d'Expand ?
B.M.StudioCanal n'est pas à vendre : il revient à l'équilibre en 2003 après avoir perdu beaucoup d'argent. Mais on peut faire encore mieux. Quant à Expand, la partie animation a été vendue à Dargaud. Pour le reste, j'aimerais que cela soit cédé avant la fin de l'année. Si possible avec une cession globale, plutôt que par appartements.
Où en est la restructuration de Multithématiques ?
B.M.Le plan social, qui concernait trente personnes avec de nombreux reclassements, est en cours d'achèvement. Multithématiques sera à l'équilibre cette année. Mais nous sommes en cours de vente de la quasi-totalité de ses activités à l'étranger. À l'échelle de ce groupe, vouloir se développer à l'étranger est très coûteux.
Le développement européen du groupe Canal+ appartient-il au passé ?
B.M.Pour l'instant, ce n'est pas la priorité. 2003 est une année de transition, 2004 va être une année de consolidation et de préparation au développement. À partir de 2005, nous pourrons envisager soit des acquisitions, soit des participations, soit des partenariats. Mais je ne me focaliserai pas sur l'étranger.
Excluez-vous toute réduction supplémentaire des effectifs en 2004 ?
B.M.On ne peut jamais rien exclure, mais nous n'avons aucun plan social en prévision.
Vous êtes décidé à obtenir l'exclusivité du championnat de football de Ligue 1. Ne risquez-vous pas une nouvelle impasse ?
B.M.Le championnat de France de football de L1 a une valeur considérable pour nos abonnés. Il est essentiel pour la chaîne Canal+ et le groupe d'offrir le meilleur du foot, et si possible, d'en obtenir l'exclusivité. C'est peut-être la structure même de l'appel d'offres de la Ligue, les différents lots qui se recoupaient les uns les autres, qui a conduit à l'impasse. J'espère que la structure de l'appel d'offres qui sortira à l'automne 2004 sera un peu différente.