[PAROLES D'AGENCES]
Après des années de bons et loyaux services, la RSE rend son tablier. Il faut dire que les critiques récentes à son encontre n’ont pas été tendres : trop bavarde dans ses communications, trop molle dans ses actions. L’équilibre n’a finalement jamais été trouvé, le succès non plus. Il est temps de comprendre que c’est le décryptage du futur qui nous permettra de changer les choses aujourd’hui.

Entretien avec Charles de Beauvoir, CEO de Terre de Sienne et Sonia Laforge, directrice du pôle corporate de l’agence

Vous portez un regard très critiquesur la RSE tout en saluant les grandes avancées entreprises par ces démarches dans le monde économique. Pourquoi s’attaquer à ce sujet aujourd’hui ?

C.D.B. Le célèbre acronyme s’efface de plus en plus des contenus corporate, financiers et même extra-financiers.Tellement utilisé, tellement galvaudé, il s’est vidé de son sens pour n’être devenu qu’une notion un peu fourre-tout. Cela permettrait notamment aux férus de communication (et moins d’actions) de trouver grâce aux yeux de leurs parties prenantes. Pourtant l’apport de la RSE a été majeur dans une prise de conscience indispensable des enjeux environnementaux et sociaux. Mais la contribution la plus symbolique de la RSE a certainement été de réunir deux mondes a priori opposés : le financier et l’extra-financier.

Comment cela se traduit-il concrètement ?

S.L. Appréhender l’entreprise dans sa globalité est certainement le plus bel héritage de cette démarche. Car oui, fait majeur de ces dernières années : la performance globale des entreprises est de plus en plus appréciée à l’aune de ses résultats financiers mais aussi extra-financiers, en l’occurrence ses performances en matière environnementale, sociale et de gouvernance. En 2021 et sur fond de Green Deal, la Commission européenne a d’ailleurs renforcé très nettement le poids et la place des informations extra-financières dans les obligations de transparence. Des progrès donc, et une belle avancée ! Dès lors que les investisseurs n’investissent plus (ou moins) dans les entreprises qui ne montrent pas patte blanche en matière de durabilité, nous pouvons imaginer que le mouvement va s’amplifier dans le bon sens.

Finalement, vous expliquez que la RSE n’est rien aujourd’hui sans la prospective. Pouvez-vous en dire plus ?

S.L. Effectivement. En analysant les indicateurs extra-financiers des années passées, les grands groupes deviennent champions pour regarder en arrière, mais pas vraiment en avant… C’est la limite du reporting. Ils déploient une énergie considérable dans la mesure (hyper-précise) de leur impact, mais toujours sur des performances passées. Dans un monde aussi incertain que le nôtre, qui vit au gré des soubresauts climatiques, sociaux, géopolitiques et sanitaires, où est l’anticipation ? Quelles mesures adopter en prévision de ces événements ? C’est le grand défi de notre époque, parce que rendre des comptes ne suffit plus. La prévision a trop longtemps été considérée comme un « nice to have » et non comme un « must have ».

C.D.B. Quand la RSE (telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui) se cantonne à la mesure du passé, la prospective,elle, explore la science du futur. C’est une arme d’anticipation massive. Les mêmes entreprises ont pour mission de donner à comprendre le monde de demain. Notamment à leurs publics internes, ceux qui sont à la manoeuvre pour faire bouger les lignes. Tout l’art de la prospective réside dans la capacité d’identifier les grandes tendances mais surtout les signaux faibles. L’Oréal le fait à merveille quand il s’agit de travailler à l’intégration de nouvelles communautés émergentes pour la marque, en Chine et en Orient notamment, ou à la pénurie future de matériaux clés. C’est ça la prospective, ne plus considérer que nous sommes à l’épicentre des événements, mais détecter les microséismes qui font bouger le monde.

 

 

 

 

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