La chronique de Martin Piot

[Chronique] Les mascottes d'un événement tel que les Jeux olympiques en disent long sur la façon dont le pays organisateur souhaite faire rayonner sa culture. Les Phryges sont à la fois un clin d’œil à l'état d’esprit frondeur des Français et à la révolution par le sport que Paris 2024 entend conduire.

Il y a quelques jours, ont été dévoilées les mascottes des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Elles prennent les traits d’un objet symbolique fort : le bonnet phrygien. Un symbole de liberté, car les Phryges (c’est leur nom) sont à la fois un clin d’œil à cet état d’esprit frondeur des Français mais également à la révolution par le sport que Paris 2024 entend conduire. Certains y ont vu un autre symbole qu’un couvre-chef et c’est le jeu de ce type d’exercice ; c’est aussi cela le caractère français dont l’esprit critique est aiguisé.

Les mascottes en disent long sur la façon dont les pays organisateurs souhaitent faire rayonner leur culture. Celles des jeux de Tokyo 2020, qui de prime abord ressemblaient à de très classiques personnages d’animés, recelaient en réalité une foultitude de détails rappelant la culture japonaise : le motif à damier Ichimatsu, l’éventail du festival d’été Matsuri, la posture de la cérémonie du thé Chanoyu… À ce titre, les Phryges sont un choix culturel audacieux. Elles incarnent un idéal, un récit commun et ce caractère impétueux qui nous est mondialement reconnu. Car l’enjeu est bien d’incarner, de raconter une histoire singulière et de laisser une empreinte. Qui se souvient des mascottes des jeux précédents ? Il faut dire que par le passé, on a pu regretter le manque d’originalité de figures animalières très (trop) lisses et consensuelles. Tout le bestiaire y est passé : teckel (1974), aigle (1984), ours (il y en a déjà eu cinq), yeti (2010), tigre (1988 et 2018), panda (2022)… Peu ont réellement marqué l’histoire, sauf peut-être le chien Cobi des Jeux de Barcelone en 1992, dessiné par le talentueux graphiste et peintre Javier Mariscal, qui est devenu un véritable objet de pop culture.

Mais au fait, d’où vient ce nom « mascotte » ? On sait qu’il a été introduit à la fin du 19e siècle dans la langue française par Frédéric Mistral, écrivain et lexicographe provençal, prix Nobel de littérature en 1904. Et c’est intéressant, ce nom provient du provençal « mascoto », qui signifie littéralement « sortilège » ou « fée », « celle capable de porter un sort ou d’influencer l’avenir ». En comprenant cette étymologie, on comprend aisément que les sportifs, assez superstitieux dans l’ensemble, aient rapidement recherché la protection d’une mascotte.

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La première mascotte sportive est vraisemblablement apparue en 1960 aux Etats-Unis sous les traits de l’éléphant Big Al de l’Université de l’Alabama. Et c’est dans ce pays que, 80 ans plus tard, les mascottes sportives des grands clubs font toujours l’objet d’une véritable vénération. Un exemple suffit à démontrer la puissance d’une mascotte, lorsque celle-ci est bien utilisée. Forbes avança en 2016 que la mascotte de l’équipe de baseball de Philadelphie, Phillies Phanatic, générait 10% du total des ventes de merchandising du club, soit plus que n’importe quel joueur de l’équipe cette année-là. Soyons honnête, les mascottes font vendre et elles offrent une fan experience inégalable lors des matchs. Preuve de ce succès public, il existe depuis 2017 des Mascot Games aux Etats-Unis. Cette compétition voit s’affronter 30 mascottes de tous sports US confondus dans des épreuves loufoques.

En dehors du sport, de grandes marques telles que La Vache qui Rit, Mr Propre ou Cajoline ont, elles aussi, cherché à placer leur destin sous les meilleurs auspices, en invoquant la protection de « mascoto ». Une étude Opinion Way de 2013 démontre que les mascottes travaillent bien l’image de la marque sur ses dimensions relationnelles : sympathie, proximité et accessibilité. Des bénéfices qui se traduisent par un engagement client renforcé, favorable tant à l’acquisition qu’à la fidélisation.

Alors, c’est clair, même si l’exercice de la mascotte est souvent un cauchemar pour les créatifs et parfois un désastre esthétique absolu, elle est une fée sous laquelle il ne faut pas hésiter à placer sa protection.

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