Chronique

[Chronique] L'entreprise bénéficie d'une image encore largement positive malgré le contexte de crise. Les Français, notamment les plus jeunes, lui reconnaissent une capacité à proposer des solutions nouvelles, contrairement aux partis politiques. Mais le niveau des attentes envers elle ne cesse de s’amplifier.

Alors que la défiance à l’égard de tous les acteurs institutionnels s’intensifie sous l’effet de la crise, l’entreprise continue de disposer d’attributs d’image positifs qui tranchent avec les débats parfois caricaturaux autour d’elle. Au-delà des 70% d’image positive (portés par les scores quasi-plébiscitaires à l’égard des PME), et même si la parenthèse covid s’est refermée, ramenant ce score à l’étiage de 2017, ce qui est frappant dans la dernière édition du Baromètre de la relation des Français à l’entreprise (1), c’est le crédit d’action dont elles disposent aux yeux de l’opinion. L’entreprise est ainsi perçue comme le troisième acteur qui a le pouvoir d’améliorer le monde dans lequel on vit, après les citoyens et les soignants mais loin devant les organisations politiques : 58% pour l’entreprise, 51% pour le président de la République, 50% pour le président de Région, 49% pour l’Union européenne, 33% pour les partis politiques. Il est d’ailleurs à noter, au moment où tous les acteurs testés sur cet item reculent fortement, que l’entreprise est l’acteur le moins impacté par ce ressac, et ce assez nettement (-5 pour l’entreprise vs -11 pour le maire et -9 pour le président de la République).

Comme si devant l’ampleur des défis et leur accumulation, leur était reconnu un nouveau rôle : celui du ministère de l’Action face à tant d’acteurs enfermés dans un ministère de la Parole. C’est bien la capacité à agir, à déployer, à transformer qui est reconnue aux entreprises, phénomène encore plus marqué chez les jeunes. C’est aussi la capacité à inventer des solutions nouvelles qui tranche avec le sentiment d’une pensée politique qui tourne en rond et ressasse des réponses du passé. Mais si on élargit le propos au-delà de cette étude, on peut aussi imputer ce résultat à la tonalité différente de la communication des entreprises : leur expression est plus mesurée que la parole politique marquée par la polémique, et l’enchainement de preuves est plus crédible que la succession de slogans et de punchlines. Cette première lecture ne saurait cependant être un brevet de bonne conduite définitivement attribué par les citoyens à l’entreprise, et ce pour deux raisons.

Une opinion toujours plus exigeante. D’abord parce que le niveau des attentes envers elle ne cesse de s’amplifier, comme vis-à-vis des finalistes des concours de saut à la perche où la barre ne cesse de monter. Trois thèmes concentrent l’exigence d’une opinion qui ne saurait se satisfaire du service minimum : le partage de la valeur, le bien-être au travail et la protection de l’environnement. L’entreprise ne peut donc se dérober à ses nouvelles responsabilités. Sans se substituer à l’Etat, sa contribution est aujourd’hui une exigence. Faire la preuve de son utilité, « prendre sa part » pour apporter des réponses aux problèmes économiques, aux questions sociales, à l’urgence environnementale, s’inscrire comme un acteur de la société et plus seulement comme un acteur économique est devenue une nécessité absolue.

Ensuite parce que quand l’entreprise s’adonne aussi aux facilités des concepts, elle n’échappe pas à la sanction. La notion de « raison d’être » laisse les différents publics, dont les salariés, à distance, six sur dix d’entre eux n’en ayant jamais entendu parler. Le vocable de RSE pourtant essentiel dans les débats du moment a lui aussi besoin de s’installer. Non pas sur le principe mais sur sa réalité perçue : un Français sur deux estime que les démarches RSE des entreprises ne sont pas sincères contre 48% qui pensent qu’elles le sont. Les deux notions renvoyant de la part de l’opinion un soupçon d’opportunisme et d’insincérité.

Au final émerge de ce nouveau paysage un message fort et structurant à l’égard des entreprises. Ne vous contentez pas des standards. Ne vous arrêtez pas à ce que vous avez déjà fait. Ne délaissez pas le social pour l’environnemental. Faites les deux. Amplifiez vos efforts. Engagez-vous ! Ce n’est que par les marqueurs renouvelés d’un engagement sincère, durable, global que le rapport des Français à l’entreprise pourra durablement changer. Il reste encore du chemin.

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