Chronique

[Chronique] Face à l'urgence climatique, les évènements de cet été ont fait office d'accélérateur. De la prise de conscience, chacun d'entre nous a pu faire l'expérience du réchauffement climatique.

Le plus souvent, la prise de conscience était déjà là. Mais les évènements de l’été ont fait office de révélateur et d’accélérateur. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous sommes passés de la prise de conscience à l’expérience. Il ne s’agissait plus d’images TV lointaines et distanciées. Pendant plusieurs semaines, chacun d’entre nous a pu faire l’expérience personnelle de la canicule, des incendies, des orages, de la sécheresse. Le réchauffement n’est plus une perspective. Ses conséquences ne sont plus une projection. Elles sont là et impactent notre quotidien.

Face à l’urgence climatique, les pouvoirs publics ont une responsabilité historique et font face à une double temporalité. À long terme, impulser plus fortement la bascule vers de nouveaux modèles de production, de consommation. À court terme, réussir le passage vers la sobriété énergétique pour surmonter l’hiver et ses risques, déclenchés par la crise ukrainienne. Pour ces deux agendas, il a l’impérieux besoin de réussir la mobilisation collective du pays et de ses citoyens. Sur le papier, cela semble chose aisée. Le constat de l’urgence est largement partagé, l’urgence à agir également. Mais évidemment, quand il s’agit de modifier des comportements ancrés dans les habitudes de vie, l’enjeu est tout autre. Cette mobilisation est donc la clé de l’acceptabilité des mesures qui seront prises.

Elle suppose d’abord, comme un temps 1, l’écoute et le dialogue. L’écoute, c’est aujourd’hui entendre le double préalable émis par les citoyens sur le plan sobriété. Exemplarité et justice. Exemplarité parce que les efforts doivent impliquer tout le monde : État, collectivités locales, entreprises et citoyens. « Je veux bien rester moins longtemps sous la douche mais pas si l’immeuble en face reste allumé toute la nuit ». Justice quand pour 57 % des sondés les efforts doivent d’abord être partagés par tous. Parce que le pouvoir d’achat est déjà sous pression, dans certains foyers depuis longtemps : près de 4 sondés sur 10 indiquent qu’ils sont déjà au maximum des efforts qu’ils peuvent faire. À ceux-là, va-t-on demander de « chauffer moins et de payer plus » ? Ignorer que la première urgence en matière d’écologie est une urgence sociale serait prendre un très gros risque. Dialoguer ensuite. L’urgence ne permet sans doute plus d’organiser un grand débat citoyen. Mais l’exécutif a besoin de construire un dialogue sincère avec les associations, les collectivités, les entreprises, les « forces vives » pour convaincre que ses décisions n’ont pas été construites dans le secret d’un Conseil de défense et éviter qu’elles ne soient frappées de dérive technocratique.

Le temps 2, c’est bien sur le temps essentiel, celui de l’action. Choisir les mesures justes, efficaces, lisibles. Expliquer pourquoi certaines orientations n’ont pas été retenues, pourquoi d’autres permettent d’atteindre les objectifs. Éviter le quiproquo des « secteurs essentiels » tant critiqués pendant le Covid. Donner accès publiquement à leur évaluation, promettre de les adapter rapidement si nécessaire.

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Le temps 3, c’est celui de la communication. Elle se doit d’être lucide et transparente sur les difficultés mais de laisser entrevoir une perspective. Elle implique de partager très vite, pourquoi pas en temps réel, les résultats sur la consommation d’énergie des efforts demandés. Elle nécessite d’être moins verticale pour laisser la parole aux collectivités, aux entreprises, aux citoyens qui n’ont pas attendu la conférence de presse ministérielle pour commencer à agir et qui sont prêts à faire plus. Elle suppose de montrer par la preuve, sur le terrain, ce qui fonctionne, ce qui change la donne. Elle doit trouver le ton juste, pour concerner, impliquer, créer une saine émulation plutôt que de moraliser. Tout à sa volonté compréhensible de dramatisation, le président de la République a cependant raté une marche. Ne pas laisser entrevoir la lumière au bout du tunnel, ne pas dessiner un « futur désirable », c’était à la fois surprenant de celui qui promettait dès avril 2020 le « retour des jours heureux », et peu mobilisateur. Pourtant, par l’écoute et le dialogue, par l’action, avec la communication en renfort, la mobilisation collective face à l’urgence climatique est possible dans notre pays. Et si on y arrivait ?

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