37% des Français approuvent les caricatures, 39% les désapprouvent

Ils ne devraient pas être déçus, ceux qui déploraient «le coup de pub» et «de fric» de Charlie Hebdo dans sa décision de publier, le 19 septembre, des caricatures de Mahomet, quelques jours après la diffusion du court métrage Innocence of Muslims et son cortège de violences. L'hebdomadaire satirique et anticlérical, dirigé par Charb, persiste et signe avec la mise en vente, une semaine après, mercredi 26 septembre, de deux éditions: «Journal responsable», «Journal irresponsable».

 

Pierre Haski, directeur de Rue 89, avait prévenu dès la parution des caricatures. «(...) On s'apprête à rejouer la grande scène classique du répertoire: la liberté d'expression, y compris celle de caricaturer et de provoquer, vs. l'intégrisme... Accrochez-vous, la semaine va être dure, et, à l'arrivée, tout le monde risque d'être perdant.»

 

Liberté versus responsabilité

 

En tout cas perturbé! Les deux versions de Charlie renvoient à une ligne de fracture entre des opinions plutôt embarrassées. Selon un sondage TNS Sofres pour Itélé réalisé le 20 septembre, si 58% des Français pensent que «la liberté d'expression est un droit fondamental [et que] la liberté de caricature en fait partie», ils ne sont que 37% à approuver la publication des caricatures, et presque autant (39%) à les désapprouver, 24% ne se prononcent pas. En revanche, 71% soutiennent l'interdiction des manifestations prévues contre ces caricatures et le film anti-islam.

 

Le sujet a également cristallisé les positions chez les politiques et les éditorialistes, et pas selon les habituelle lignes partisanes. D'un côté, ceux qui pensent que ce n'était pas le bon moment au nom du principe de responsabilité et d'apaisement (Daniel Cohn Bendit, Jean-François Copé, Laurent Fabius ou Alain Juppé). «Je les trouve cons» de "Dany",  «La liberté est un bien précieux et inaliénable. L'intelligence aussi...» de Laurent Joffrin (Nouvel Observateur ), «Les caricatures incriminées sont de mauvais goût, voire affligeantes. Elles sont surtout publiées à un moment qui va contribuer sciemment à mettre de l'huile sur le feu», de l'édito du Monde.

 

En face, se retrouvent les défenseurs de la liberté d'expression par principe et/ou par rapport au sujet islamiste (Vincent Peillon ou François Fillon). A l'instar d'Ivan Rioufol, du Figaro, qui soutient Charlie «dans sa volonté de tenir tête aux islamistes», de Christophe Barbier, de L'Express, pour qui «on ne peut pas tenir compte du contexte, le feu est là... ce n'est pas le rôle de la presse de mettre de l'eau...", ou de Nicolas Demorand, de Libération, qui prévient qu' «exhorter (les dessinateurs) à prendre en compte le contexte géopolitique (...) c'est mettre le doigt dans un engrenage dont le premier cran est l'autocensure et le dernier la capitulation».

 

Pour le philosophe Abdennour Bidar, le défi est ailleurs. «Oui, l'islam est allergique à la critique, oui, il est à peu près incapable d'autodérision. Mais tout ça, on le sait déjà... Quelle puérilité!", écrit-il dans Le Monde du 21 septembre. Pour lui, "au lieu de jouer à se faire peur avec l'islam , l'Occident devrait aider le monde musulman à entrer dans un rapport critique au religieux".

 

Expert

 

Guénëlle Gault, codirectrice du département stratégies d'opinion de TNS Sofres

 

«Ambivalence»

«Les Français sont attachés à la liberté d'expression mais partagés et mal à l'aise avec les caricatures de Mahomet. La campagne présidentielle a remué ces sujets dans un sens anxiogène. Leur réaction ambivalente peut être interprétée comme une forme de peur des débordements à l'étranger - vus à la TV - mettant en péril la vie de Français et donc une peur de l'Islam. Mais on peut aussi y voir une forme de mesure et de souci d'apaisement exprimant du respect à l'égard des croyants musulmans de France.»

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