Tech it easy
Internet, c'est aussi la pornographie en libre-accès pour les plus jeunes. Et il est vain de chercher à en contrôler l'accès. Alice Zagury, cofondatrice et directrice générale de The Family, y voit plutôt une nouvelle preuve que «le numérique accélère la nécessité de traiter les sujets de fond, les crispations et les tabous». Sans tabou.

Un journaliste d’un quotidien national me contactait hier au sujet de l’hyperconnexion. «À The Family, nous ne sommes ni sociologue ni philosophe», lui dis-je. Mais bien évidemment, l’irrésistible désir de présenter un point de vue me fait glisser dans une longue réthorique. Nous voilà lancés, du harcèlement des enfants sur les réseaux sociaux au narcissisme des selfies, et nous finissons sur l’accessibilité de la pornographie.

 

J’aimerais profiter de cette tribune pour exposer une idée. Si le numérique n’est qu’un moyen au service d’une fin, celle que l’on veut bien lui donner, il ne faudrait pas pour autant fermer les yeux sur un grand sujet de société. L’ère numérique est aussi l’ère de la pornographie en libre accès.

 

Tous ceux qui ont plus de trente ans ont connu l’époque de la bravoure, ce temps où les plus téméraires se rendaient au vidéoclub, franchissaient l’épais rideau «interdit aux moins de 18 ans», affrontaient le regard du vendeur et osaient repartir avec le butin de la honte sous le bras. La grande majorité se contentait alors du téléfilm érotique sur M6 et les plus malheureux, du catalogue de La Redoute.

 

Aujourd’hui, une simple requête Google suffit. Il est inutile d’aller à l’encontre de l’inéluctable prolifération de vidéos porno. Les solutions qui consistent à contrôler l’accès internet des enfants sont vaines. Il faut l’accepter, la curiosité est rassasiée en un clic.

 

Le sexe demeure un sujet totalement tabou alors qu’on n’a jamais autant produit de contenus pornographiques. Il y a un déséquilibre flagrant et il est criminel de le maintenir sous embargo moral. Le rôle de l’école prend tout son sens. S’il y a bien un endroit où l’on peut informer et former à l’analyse des images pour en comprendre le sens, c’est l’école.

 

C’est fou comme le numérique accélère la nécessité de traiter les sujets de fond, les crispations et les tabous. Voyons-le d’un bon oeil. Au collège, on peut parler de sexe autrement que du point de vue du risque de la maladie ou de la biologie. Je me souviens encore des rires gênés quand la professeure présentait le cycle menstruel du bout de son baton, visant une illustration de coupe de bassin.

 

L’ignorance et l’interdit créent les dérives, on le sait. Si la majorité des 11-14 ans ont déjà vu un film porno, il est du devoir de l’éducation de les aider à comprendre la sexualité. Le sentiment amoureux, l’affection, la découverte du corps sont des sujets cruciaux que ni la famille, ni l’école, ni la religion ne traitent concrètement et dans le sens de la responsabilisation des jeunes.

 

Ceux-ci doivent, dans la solitude du tabou ou de l’interdit, se faire leur propre opinion. Youporn se charge alors de prendre le relais et de donner une seule et unique représentation de ce qui constitue l’idée de sexe.

 

C’est fou comme le numérique nous oblige également à revenir à nos fondamentaux. L’école française, c’est celle des Lumières, celle qui forme les esprits à la majorité selon Kant. On a dissocié l’exigence kantienne d’autonomie spirituelle de la nécessité de fonder celle-ci dans l’existence d’une école. L’école est cet espace d’examen et d’épreuve du jugement, propice à l’esprit critique, elle doit donner les clés pour exercer son libre-arbitre.

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