Vous souvenez-vous de la polémique sur le licenciement d’une salariée voilée par la crèche Baby Loup? France Télévisions avait demandé leur avis aux téléspectateurs, via une consultation en ligne, ouverte. En direct, la rédaction avait choisi de ne pas diffuser les résultats: ce pseudo «sondage» (sic) était manipulé par un votant multiple.

 

Plus récemment, après une campagne d’affichage par la mairie de Béziers sur l’armement de la police municipale, plusieurs médias ont organisé des consultations en ligne sur le sujet, dont les résultats ont été repris par la municipalité dans une deuxième campagne d’affichage, où ils étaient présentés comme issus de «sondages» légitimant sa communication!

 

Qu’y a-t-il à redire à cela? Rien et tout. Rien, s’il est clair pour le lecteur, le téléspectateur ou l’internaute, autrement dit pour le citoyen, que les résultats doivent être lus avec beaucoup de prudence: il n’y a rien de scientifique dans le recueil et l’analyse des données.

 

Mais pourquoi les professionnels des études et sondages d’opinion, regroupés au sein de Syntec Etudes, s’attachent-ils tant à différencier clairement ces consultations des sondages? Parce que faire dire n’importe quoi à de faux «sondages» met en jeu  la démocratie.

 

L’intensité démocratique d’une société dépend de la liberté d’expression (de presse, d’association, de manifestation…). Les études d’opinion participent de cette pluralité d’expression si elles sont faites de façon scientifique (cf. les travaux d’Alain Lancelot*). Aucun pays non démocratique ne tolère de vrais sondages!

 

Qu’est-ce qui différencie un sondage d’une de ces consultations? La représentativité, qui impose de constituer l’échantillon selon des méthodes scientifiques précises pour en faire un modèle réduit de la population générale. Cela suppose des méthodes de sélection des répondants, de maîtriser l’origine, le nombre et la diversité des canaux de recrutement, de vérifier leurs profils, etc.

 

Aucune consultation ouverte en ligne ne peut prétendre à cette représentativité: leurs thèmes sont les plus médiatiques, voire polémiques, attirant donc une bonne part de militants; les «sondés» correspondent au profil d’audience du média, plus ou moins âgé, politisé, urbain, etc.; ils sont actifs sur internet, ce qui est un biais en soi; enfin, il est impossible de garantir l’identité du votant ni que chaque vote est unique.

 

Je suis le premier à dire que dans un monde ouvert, poreux, où les communautés sont une source extraordinaire de compréhension, il faut innover. Mais je suis aussi convaincu qu’il faut être très prudent face à des risques de manipulations, avérés dans les cas Béziers ou France Télévisions.

 

Je défends fermement l’idée que la légitimité des sondages et études d’opinion repose sur deux pans: l’utilité démocratique et la fiabilité scientifique.

 

Bien sûr, il ne peut être question d’interdire les consultations organisées par les médias, le plus souvent appréciées, utiles et légitimes. En revanche, il doit être clair pour tous qu’il ne s’agit pas de «sondages». Syntec Etudes suggère une solution simple, qui permettra à ces outils de préserver la confiance des citoyens, la crédibilité des médias et des sondages: les accompagner d’une mention, visible, «Consultation ouverte, non représentative de la population française».

 

Ce sujet est d’autant plus important que les médias ne sont pas les seuls à organiser de telles pseudo «enquêtes»: plus anecdotique mais également néfaste, certains sites animés par des sociétés de marketing, travaillant parfois avec des médias, appellent «sondage» un pur système de collecte de données personnelles, à visée commerciale directe, introduit artificiellement par une question d’actualité. Les personnes piégées, harcelées après avoir répondu, par colère, finissent par rejeter tous les types d’étude, malheureusement amalgamés.

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