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En général, le gender marketing me donne des envies de violence. Alors, depuis que Nike a lancé à grands coups de superlatifs «Better for it» la plus grande campagne de son histoire à destination des femmes, autour du film «Inner thoughts», doux, émotionnel, psychologisant, avec une pointe de second degré acidulé, bref, tout pour être un énorme cliché genré, je me demande, vraiment, pourquoi je l’aime autant.

 

Attaqué de toutes parts sur le segment – en pleine croissance – de l’active wear féminin, par des concurrents aussi divers qu’Under Armour, Lulu Lemon ou même Gap, Nike veut, avec « Better for it », reprendre de l’avance. Et pour cela, se rapprocher de la réalité des usages sur le marché : non seulement un boom des pratiques comme le yoga et les pilates, mais surtout une attente de mode et de lifestyle, pour des vêtements aussi portés au quotidien. Le pari est gros, l’opération est mondiale, les ambitions sont larges.

 

Et le film est modeste. D’une esthétique assez terne, sur une musique qui semble un mélange de chant traditionnel d’Europe de l’Est et des plus grandes bandes originales de jeux de Game Boy, « Inner Thoughts » rompt clairement avec les codes habituels de Nike : stars, testostérone et surperformance.

 

Et comme en témoignent les commentaires sous la vidéo, assez unanimement positifs, il touche une corde sensible, un peu comme l’avait fait, en 1995, la campagne à la tonalité militante, féministe « If You Let Me Play » (accessoirement publicité préférée d’Oprah, vous ne serez pas venus pour rien). Et ça fonctionne pour une raison simple, en apparence évidente, qui est peut-être l’une des clés pour faire du gender marketing un outil pertinent : la justesse.

 

La justesse des insights bien évidemment, et l’on sent derrière les situations du film une immense volonté de précision.

Mais aussi la justesse de l’exécution – d’ailleurs c’est ce point qui a le plus fait débat au planning. La réalisation, qu’on pourrait trouver « cheap », et le jeu, qu’on pourrait trouver en demi-teinte, sont finalement dosés de la façon la plus juste et précise possible pour être en cohérence avec, voire servir, le message du film. Pas besoin de tambours ni de trompettes quand l’objectif est de créer une plus grande proximité avec ses cibles.

 

La justesse de l’adaptation de la marque aux usages, ensuite, pour un film qui réussit à étendre le « Just do it » à de nouvelles pratiques, plus quotidiennes, hors des logiques de compétition, sans s’aliéner les adeptes de la performance. La campagne s’accompagne d’ailleurs du « 90-day Better for it challenge », traduit en France par « Programme bikini », synchronisant l’appli Nike+ Training et l’appli Nike+ Running pour encourager les femmes à faire du sport et à atteindre leurs objectifs en 90 jours, juste à temps pour l’été.

 

Une façon pour, comme l’explique Amy Montagne, la vice-présidente du marketing de Nike Women, « offrir plus que de l’encouragement » aux femmes, mais leur fournir « les outils pour étendre leur propre potentiel athlétique ». Avec « Better For It », Nike quitte sa posture top-down pour se placer à côté de sa cible, sans lui prendre la main, mais en l’accompagnant, avec empathie, dans son quotidien.

 

Justesse dans l’expression du territoire de marque, enfin. Car si « Inner Thoughts » marche si bien, finalement, c’est parce qu’on y trouve un Nike différent, plus proche, plus accessible, mais en aucun cas diminué. Au fond, les insights du film, dans les coulisses peu glorieuses de la performance et du dépassement de soi, sont universels. Il parle à tous, hommes et femmes, sportifs occasionnels comme acharnés, mais parle à la petite chose fragile et fataliste en chacun de nous, cette chose à laquelle Nike promet, avec succès, de mettre depuis toujours un coup de pied au c**. « Better for it » est peut-être le premier signe d’une nécessaire évolution de la marque pour rester, encore et toujours, en phase avec son temps.

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