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Lorsqu’un nouveau venu arrive au bureau, sans même lui parler, en quelques requêtes internet, il est possible d’en connaître beaucoup sur sa vie, entre ses profils Linked in, Twitter, Facebook… On peut le regretter mais c’est une réalité: à l’heure des réseaux sociaux, chacun laisse de plus en plus de traces. Paradoxalement, à ce jour, nous en savons beaucoup moins sur nos produits du quotidien que sur les personnes qui nous entourent, tant en termes d’histoire personnelle que de valeurs. A l’heure de l’internet des objets et de l’open data, cette réalité va changer profondément.

 

Plus besoin d’être Superman pour voir à travers la matière. Nous avons dans nos poches des sabres laser dont nous ignorons la puissance. Nos smartphones et une nouvelle génération d’objets connectés vont permettre à chacun de rendre justice aux qualités environnementales, sanitaires et sociétales des produits. Ces objets vont devenir des armes de destruction massive des discours de greenwashing et permettre de démasquer des produits «bandits» aux propriétés déplorables.

 

La première ère de ce changement a été celle des applications «traductrices d’étiquettes»: telle que Good Guide, qui d’un scan de code barre transcrit en note ou en code couleur la performance durable de produits en traduisant et pondérant le contenu des étiquettes. En effet, est-il préférable pour ma santé, l’environnement ou l’agriculture française de manger un biscuit fait de farine 35, E315 et sucre inverti ou un biscuit fait de farine 55, E150 et aspartame? L’étiquette ainsi démystifiée, il est plus difficile de faire passer des vessies pour des lanternes, fussent-elles peintes en vert. L'arrivée de la première génération de ces vigies laser a bouleversé les recettes de l'agro-alimentaire outre Atlantique. Le grand écart entre promesses et réalités de la qualité des produits devenant visible, la réputation des marques était à risque, des reformulations ont dû être menées d’urgence.

 

Mais la qualité d’un produit ne se résume pas à son étiquette. La deuxième ère de ce changement est celle du développement d’outils d’analyse bon marché et miniaturisés. Tellspec et Scio ont levé des fonds en 2014 pour développer des spectromètres infrarouge de la taille d’un porte clé pour permettre à chacun de scanner son assiette avant ses repas et mesurer, au-delà de l’étiquette, le contenu moléculaire et nutritionnel réel de nos plats. Baidu, géant de l’internet chinois, développe des baguettes connectées capables de détecter la présence de substances toxiques dans les assiettes. Dans dix ans, ces équipements seront intégrés de série aux smartphones de la même façon que l’ont été appareils photos et accéléromètres. Il ne sera plus possible de négliger la durabilité de ses produits et compter sur le « pas vu, pas pris », chaque consommateur ayant un gendarme dans la poche.

 

La troisième ère qui arrive est celle des plateformes connectant toutes ces données relatives à la qualité et au prix des produits, ainsi qu’aux envies des consommateurs pour guider leurs décisions d’achats. Un Facebook des produits va émerger dans l’Internet des objets qui nous dira tout de l’histoire du produit: où il a été fabriqué, par qui, avec quelles machines, quels ingrédients, quand il a été contrôlé, si les consommateurs l’apprécient, le tout agrémenté de photos et de commentaires. Le fabricant aura le choix de gérer ses paramètres pour rendre visible ou non ces données. L’initiative d’Alkemics de simplifier et normaliser production et échange de «données produits» entre producteurs et distributeurs est prometteuse dans cette veine.

 

Cette rupture de l'asymétrie de l'information environnementale est aussi économiquement une bonne nouvelle, elle permettra une concurrence plus juste: il existe aujourd’hui un biais entre deux producteurs qui mettent sur le marché au même prix des produits aux qualités inégales, si la qualité est invisible. Ces outils vont permettre un triomphe de l’optimum qualité/prix: les légumes gonflettes, pleins d'eau et vides de nutriments, vont être démasqués. C’est la fin des impostures: se cacher derrière un prix bas et un bel emballage ne suffira plus. Cela pourrait aider des filières à sortir de la spirale destructrice de valeur liée à la guerre des prix, en revalorisant qualité et durabilité.

 

Pour producteurs et distributeurs, le choix est simple: agir ou subir. Que cela plaise ou non, les produits vont être mis à nu: par des ONG, des consommateurs, des concurrents ou des plateformes californiennes. Faire face, c’est mieux connecter ses données produits pour piloter de façon dynamique son portefeuille produits: croiser ses impacts environnementaux et sociétaux, sa valeur de marque, ses ventes, les attentes clients pour lancer des plans de progrès et organiser sa transparence. Si le consommateur veut savoir et voir, il saura et verra, il faut donc montrer, et l’on apparaît plus beau sur des photos studios que sur des photos volées. Mc Donalds a ainsi révélé le détail du contenu de ses produits au Canada et Fleury Michon lancé sa campagne «Venez Vérifier» pour inviter des clients à venir visiter l’envers du décor. Ce contexte est aussi une belle opportunité de créer des communautés digitales de consommateurs et de développer des services tournés vers l’usage des produits!

 

Le soulèvement des justiciers qui sommeillaient dans nos poches est en marche pour révéler le côté obscur de nos produits de grande consommation. Qualité et durabilité vont voir leur valeur augmenter, un salutaire triomphe des meilleurs produits n’a jamais été aussi proche. Industriels, distributeurs, travaillez la qualité et la durabilité de vos produits et organisez votre transparence, les clients sont à l’affût. Les gagnants seront ceux qui agiront les premiers.

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