Presse

Robots-journalistes, big data, technologies, ambition dévorante des géants du Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon), nouveaux usages mobiles, l’univers des médias ne cesse d’être bousculé. La presse magazine n’échappe pas à ces bouleversements. Au cœur de mutations si complexes, le secteur dispose pourtant de solides atouts. À condition de privilégier l’humain et oser le nouveau.

 

1. Placer le journaliste au coeur du dispositif

Il est essentiel que le média écrit reste incarné. Par le journaliste tout d’abord, dont le métier doit rester au cœur du dispositif. Même s’il sera de plus en plus exigeant en terme d’investigation, de vérification de l’information, de sa hiérarchisation, de créativité. C’est toujours le travail du journaliste qui permettra aux contenus les plus pertinents et les plus attractifs d’émerger quel que soit le support. En aucun cas les technologies seules n’incarneront le média de demain. La promesse clé d’une marque média est bien dans la façon dont elle sélectionne, l’information, en la traitant d’une façon différente. Cela reste la seule façon de se démarquer de ce monde où l’information abonde en permanence.

 

2. Délivrer le bon contenu au bon moment, peu importe où

Les études le montrent, le « lecteur » de presse magazine est multicanal. Le magazine print, le web, le mobile ne sont que des outils. C’est l’accès au bon contenu, au bon moment qui guide l’intérêt. La priorité doit rester la ligne éditoriale de la marque avec l’information utile qui va émerger. Le contenu qui gagnera la bataille des audiences sera celui qui créera une émotion, qui provoquera un engagement dans la durée, peu importe le mode de consultation.

 

3. Remettre le texte au centre de tout

Le « Content is king » (« Le contenu est roi ») de Bill Gates a près de vingt ans. Il reste la règle, à condition de savoir conserver cet art du storytelling. Face à l’afflux, à « l’infobésité », il n’existe pas de meilleure recette que l’affirmation d’un ton, d’une « patte ». Le texte est donc au cœur du sujet, et reste  contre toute attente souvent plus efficace qu’une vidéo. Certes, la consommation de vidéos explose, mais cela ne signifie en aucun cas la fin du texte et des auteurs. Au contraire, la vidéo elle-aussi a besoin du texte. Prenons l’exemple d’une web série : son pitch doit être écrit par des auteurs de talent. Les journalistes « auteurs» sont plus que jamais indispensables.

 

4. Définir sa réelle valeur ajoutée

Chaque titre de presse magazine doit se poser la question: quel est son véritable métier, sa promesse, sa valeur ajoutée ? Voici cinq ans, chacun prédisait par exemple la disparition de la presse TV, les programmes à disposition gratuitement sur le web. Télé-Loisirs qui fête ses 30 ans avec chaque mois 13 millions de lecteurs seulement sur le digital. La marque Télé-Loisirs a su s’adapter et trouver sa spécificité dans l’actualité comme on a pu le voir  dans les jours qui ont suivi le 13 novembre dernier sur l’ensemble de ses canaux de diffusion. Une cellule dédiée a traité, expliqué, décrypté les coulisses des chaînes après les événements tragiques de Paris: leur couverture, les déprogrammations, les coulisses. Les taux de consultation ont été surprenants. Ce choix a recentré le média magazine sur ce qu’il fait de mieux : raconter la télé, se positionner sur le story telling, sa capacité à produire des histoires, à rendre service. C’est bien la preuve, s’il en fallait une, qu’aucune catégorie de presse print n’est condamnée si elle sait se réinventer et s’adapter aux nouvelles attentes.

 

5. Continuer à cherche des contenus exclusifs payants

La question du contenu numérique payant reste sur le plan économique un enjeu essentiel. Le public est-il prêt à payer pour des contenus digitaux ? Oui : que sont  BeInSports ou Netflix, si ce n’est des acteurs du numérique ? Leur réussite est basée sur leur capacité à offrir des exclusivités, en l’occurrence des retransmissions des événements sportifs ou des séries originales. La presse magazine doit réfléchir sur le même modèle, en offrant des contenus qui se distinguent, indispensables dans un univers de plus en plus fragmenté. Les formats payants existent sur le numérique : enquêtes, reportages, long formats, gamification. Lorsque l’on propose des exclusivités sur le numérique, le public vient. On sera alors pédagogiques : soit vous acceptez la pub, soit vous payez. Mais il faudra sans doute aller plus loin en innovant aussi en matière de business model pour sécuriser le financement du digital.

 

6. Priviliégier la créativité aux technologies

Dans l’univers des médias, les technologies sont-elles autre chose que des « boîtes noires » ? Pas forcément. Les algorithmes y sont très présents, capables de livrer les contenus selon vos centres d’intérêt, votre géolocalisation. Mais l’algorithme qui crée la surprise, la recommandation comparable à celle d’un ami, n’existe pas. Seul le journaliste sait se mettre dans la peau d’un lecteur, savoir ce qu’il peut faire pour lui. L’avenir est de savoir se servir des technologies comme d’outils bonus, en plaçant par exemple des développeurs qui savent parler avec les journalistes au cœur des rédactions. Un historique ne dira jamais tout de ce qu’on aura envie de faire demain.

 

7. Associer contenus, marketing et technologies

Le média magazine doit lui-aussi se réorganiser, en créant des plateformes de talents à la culture multimédia afin de mieux répondre aux usages des lecteurs eux-mêmes. Une newsroom où l’on construit, orchestre et surveille en direct l’impact de chaque contenu tout support est la règle. L’alchimie entre trois éléments clé que sont les contenus, le marketing et ses community managers et les technologies est impérative.

 

8. Face aux géants des Gafa, prescrire et surprendre

Les regards sont souvent tournés vers le Gafa. Effectivement, les ingénieurs de Google, Apple, Facebook ou Amazon sont des génies. Mais ils ne sont que des ingénieurs et cela ne suffit pas à remplir le rôle du média. Leurs contenus, riches, volumineux, n’incitent pas à l’engagement. C’est au media magazine de prendre le lecteur par la main, être ce prescripteur, pas à Google. Mais cette concurrence oblige les médias à se réinventer, à chercher une nouvelle efficacité dans la production, pour assurer une indépendance économique condition indispensable à la liberté journalistique.

 

9. Défendre fermement le droit d'auteur

La nécessité d’exclusivités, de scoops, implique qu’il faille les protéger en terme juridique. Le numérique reste encore une jungle où le pillage des contenus semble la règle. Les éditeurs doivent travailler sur un droit à la citation et à une interdiction de reprendre l’intégralité des contenus. Il est trop facile pour certaines plateformes de travailler avec Google Trends, d’entrer dans la course aux mots clé, de se laisser dicter une ligne éditoriale et de piller les contenus des autres. Il est temps que l’on protège notre travail.

 

10. Parier sur l'engagement des lecteurs et des journalistes

«Liker», partager, retwitter sont dans les usages des «lecteurs» de contenus magazine sur le web. Les réseaux sociaux n’ont pas que ces fonctions prescriptrices. Ils permettent aussi de contribuer, de débattre, autant de possibilités d’enrichir et de valoriser les contenus. Il est donc devenu indispensable au journaliste, même s’il s’agit d’une nouvelle approche du métier, de s’afficher sur le numérique afin d’engager le dialogue avec celui qui le lit, le suit, l’apprécie. Une relation de confiance s’installera à terme. Elle renforcera notre piste numéro 1 : placer le journaliste au cœur du dispositif.

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