Mobilis in mobile

Une époque se définit par ses héros. Les grandes femmes, les grands hommes, façonnent les siècles. Wikipedia, ce sont des gens célèbres et des dates. Le XXIe siècle aime les entrepreneurs. L’entrepreneur est le maître de l’économie exponentielle, celui qui parle aux oreilles des robots et des algorithmes. Pour avoir accueilli Mark Zuckerberg à Paris il y a bientôt 10 ans, j’ai compris que si on ne demandait pas des autographes et des selfies à tous les patrons, pour les dresseurs de licornes, c’était l’usage.

Et qui est, depuis la disparition de Steve Jobs – événement d’une magnitude équivalente aux décès de John Lennon ou Lady Di – le phénix des hôtes de ces bois ?

Elon Musk. Ça se précise ou se confirme, parmi quelques autres super héros pouvant revendiquer le titre, Gates, qui semble le seul à pouvoir faire la leçon à Trump, ou Bezos dont l’entreprise pourrait être la première à valoir un trillion, soit 1000 milliards.

Mais un héros n’existe pas sans aventure. Et dans cette chronique, je vais m’attacher à décrire les grandes batailles de notre époque, dans le fond et la forme, dont Musk est le chevalier-milliardaire.

D’abord, Elon Musk, c’est un migrant, un ancien geek. Sud-Africain, il fait partie de cette génération d’entrepreneurs qui a rejoint la ruée vers le Silicon. Si on cherche aussi ses premières photos du temps de PayPal qu’il a co-fondé, on voit un gentil informaticien en chemisette, rondouillard et presque chauve. Loin du James Bond au bras de top model d’aujourd’hui. Elon est un outsider et un geek devenu Iron Man par ses seuls talents (pas comme Batman ou Superman, les héritiers).

Musk ne s’intéresse qu’aux sujets qui transforment notre civilisation. La conquête de l’espace, et surtout de Mars avec SpaceX : il a relancé à lui seul la guerre (civile) des étoiles. Si Airbus accueille un ex-Googler comme CTO, c’est que le géant classique de l’aérospatiale a très vite compris la leçon. Le logiciel mange le monde et s’attaque désormais à l’espace.

L’énergie ensuite, la dématérialisation, la virtualisation a une constante physique qui nous échappe souvent. Nous consommons toujours plus d’énergie. Avec Solar City et Tesla, on prête à Musk un autre plan de domination de l’univers, sur Terre cette fois : rendre l’énergie gratuite et les foyers autonomes.

Le hardware aussi ! Je suis souvent surpris de voir que les GAFAM (pour le coup, j’ajoute Microsoft) sont obnubilés par le matériel. Ils sont à la recherche de performances toujours meilleures et plus distinctives, en vitesse, en capacité, en consommation énergétique, en robustesse… Pendant que nous restons engagés dans la course au prochain Airbnb pour chiens et chats ou à l’Uber de la frite, un peu comme l’infirmière qui claque la fesse droite pour piquer la gauche. Et je me demande si nous ne sommes pas en train de perdre toute chance de revenir dans la course aux infrastructures, d’autant que les telcos, pour des raisons très différentes, participent moins qu’auparavant à cet effort. Le hardware donc, et ses usines, l’exemple le plus frappant est pour moi la visite la plus époustouflante à faire dans la Silicon Valley, l’usine de Tesla, dirigée par le même Musk, ses robots, ses marteaux-pilons, ses plaques d’aluminium qui entrent pour être sublimées pendant deux semaines et ressortir sous la forme de l’objet le plus sexy de la révolution numérique, un mélange fou de Ferrari et d’iPad sur 4 roues.

Enfin, la singularité. La semaine dernière, Musk a annoncé son investissement dans Neuralink, une start-up qui devrait nous permettre bientôt de connecter notre système nerveux à des ordinateurs. Oui, un peu comme les deux infinis de Pascal, Elon Musk travaille sur Mars et vos neurones. Il en faudra, des chroniques, pour parler de cette nouvelle frontière, ce qu’elle a de très heureux (pensez à la fin du handicap), d’intriguant (imaginez parler pour toujours avec un bot qui serait la personnalité de votre grand-mère adorée), de flippant (en fait le bot, ce n’est pas Mamie, c’est Hitler, il sait tout de vous et il a une armée de Terminators), Elon Musk y va comme au volant de sa Tesla ou de sa fusée, pied dedans.

Mais qu’est-ce qui fait courir Elon ? C’est notre bonheur et le futur radieux de notre civilisation, bien sûr. Et il est très investi dans l’éthique de ses activités, ce qui nous rassure franchement parce que sinon, de mon système nerveux à Mars, nous pourrions nous inquiéter de ses intentions. Dans un excellent portrait récent que Vanity Fair lui a consacré, on retrouve cette citation géniale de la série Silicon Valley : « I don’t want to live in a world where someone else makes the world a better place better than we do. » Alors Elon Musk est à l’origine d’une fondation, OpenAI, qui doit justement veiller à ce que surtout l’intelligence artificielle et tous ses développements restent du bon côté de la force, le sien, la sienne.

Dernier enseignement d’Elon Musk, celui du marketing, du branding et du self-branding. J’ai grandi à une époque où les marques « lavaient plus blanc ». Désormais, ce sont des super-héros qui « rendent le monde plus meilleur ». Et ça, ça veut dire qu’une marque du XXIe siècle doit posséder son champion, en cela, vous noterez cet oxymore : l’entreprise du futur est une entreprise libérée, sans management donc, mais dirigée par un demi-dieu. De quoi raconter d’autres belles histoires, et savoir où diriger vos investissements !

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