Tribune
Pour compenser des revenus publicitaires en baisse, de plus en plus de journaux mettent en place des paywalls sur leur site internet. Grâce aux nouvelles technologies, ils peuvent désormais s'adapter aux différents profils des utilisateurs afin d'en faire plus facilement des abonnés payants.

Le secteur des médias rencontre depuis plusieurs années, une profonde mutation dans son mode de fonctionnement. Si on prend l’exemple de la presse écrite, le secteur a connu une transformation avec l’avènement de l’ère du numérique. Les supports de diffusion changent, l’information est diffusée en continu et de façon instantanée, les habitudes des consommateurs ont évolué pour devenir plus sélectives et les revenus issus de la publicité sont en constante baisse depuis une dizaine d’années.

Pour faire face à ces mutations, les grands noms de la presse ont orienté leur modèle économique vers la fidélisation des lecteurs en leur proposant des abonnements personnalisés. C’est le cas par exemple du journal suisse Neue Zürcher Zeitung, qui a développé depuis quelques années sur son site un paywall où les « free users » peuvent parcourir librement les articles mis à disposition. Cependant, au bout d’un certain nombre d’articles lus, une partie du site devient inaccessible et requiert un abonnement pour accéder à l'ensemble des articles.

Définir une fiche profil

Ce journal, basé à Zurich, ne s’arrête pas là. Afin de rendre l’abonnement encore plus attractif, il utilise le machine learning pour définir une fiche profil pour chaque visiteur à partir des données collectées sur le site. Cette intelligence artificielle utilise par exemple la durée des consultations, les sujets visités, la fréquence d’utilisation, la plage horaire de consultation et bien d’autres paramètres. Prenons un exemple : un abonné à la newsletter, qui vient régulièrement depuis quelques mois consulter environ cinq articles par semaine, principalement en début de journée. Il existe une probabilité de 15% pour que cette personne soit intéressée par un abonnement qui lui donnera l’accès à des articles plus pertinents pour elle.

Le machine learning dresse des profils de plus en plus précis et améliore son algorithme pour trouver le point « hot », ce moment où l’internaute est le plus à même d’accepter un abonnement. L’avantage de cette technologie est que plus elle engrange de données, plus elle aura de chances de viser juste. Avec l’aide du travail des journalistes et les fiches profils à sa disposition, elle sera capable de modifier le paywall afin qu’il corresponde le mieux possible aux attentes des lecteurs. Par exemple, si un utilisateur visite très fréquemment le site, l’IA lui proposera un abonnement annuel plus avantageux. Si le profil est très axé sur la finance, l’IA va attendre d’avoir un article avec un grand intérêt sur le sujet pour lui proposer l’abonnement avec en supplément l’article en exclusivité.

Une newsletter personnalisée

Les résultats sont encourageants puisque le journal a augmenté le nombre d’abonnements de plus de 3% en 2018, ce qui est bien plus élevé que les chiffres actuels des grands titres américains. Le nombre d’abonnés est passé à plus de 150 000 utilisateurs, dont plus de la moitié sont abonnés à la partie digitale. Cette stratégie s’adapte aux habitudes des lecteurs ainsi qu’à leurs centres d’intérêts, ce qui pourrait compenser une partie de la baisse des revenus publicitaires.

Selon les cadres dirigeants du Neue Zürcher Zeitung, la prochaine étape sera de maintenir cette croissance et surtout de garder ces abonnés tout au long des prochaines années. L’intelligence artificielle permettra aussi de proposer régulièrement à chaque abonné une newsletter personnalisée en fonction de ses intérêts propres. L’utilisation du machine learning se développe au sein des grands groupes de presse et devient peu à peu un pilier majeur de leur développement. C’est peut-être le nouvel élan que la presse attend après ces dernières années difficiles.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.