Tribune
Lait aromatisé vendu dans des flacons de parfum, cabinets médicaux sans personnel pour consultation express, concept-store à la Colette : le cocktail retail chinois mixe miroirs digitaux, empreinte faciale et expériences design brutes et non-digitalisées.

Le patron de Starbucks n’aura pas attendu longtemps : à peine un an après avoir constaté le succès de la Reserve Roastery de Shanghai, qui offre l’une de ces « expériences les plus théâtrales » et dont l’application de réalité augmentée développée avec Alibaba contribue à faire le buzz, il a fait venir sa directrice marketing chinoise au siège de Vancouver. C’est également à Shanghai que Nike a ouvert à l’automne 2018 sa Nike House of Innovation (avant celle de New York), la seule en Chine. Baptisé Nike Shanghai 001, le magasin offre un shopping connecté et personnalisé, combiné à l’hyper-local, avec son offre de produits et services exclusifs.

Autre exemple, l’assureur chinois Ping An, qui dans la foulée du déploiement des Auchan Minute ou JD.ID X-Mart dans la distribution, va lancer des centaines de milliers de « unmanned clinics », l’alter ego de ces magasins sans personnel. Chacun pourra entrer dans une sorte de cabine téléphonique pour un rapide diagnostic santé via le texte et la voix, réduisant ainsi les délais d’attente pour un rendez-vous chez le médecin.

Pure, Premium, Pleasant

Au pays du tout-mobile, le goût pour la starification, le fun, l’argent – avec notamment nombre d’applications de gamification et un engouement certain pour les cadeaux virtuels –, les services associés et plus que jamais la personnalisation sont le terreau fertile d’une expérience connectée des plus grandioses.

Le jour se lève à Shanghai. Je m’arrête attirée par la vitrine lumineuse d'une minuscule boutique à la façade bleu nuit sur laquelle je lis 3 mots : Pure, Premium, Pleasant. Au-dessus, le nom de l'enseigne, TripleP, et dessous sa baseline : « All That Milk ». Parmi les parfums proposés, sésame, thé rouge, malcha, fraise ou chocolat. J’emporte mon lait dans un flacon en verre clos d’un bouchon en liège, qui ressemble fort à un flacon de Chanel N°5. Triple P N°3, dit l'étiquette. Chaque flacon coûte entre 30 et 35 RMB, et « 5 RMB pour la consigne », me dit l’entrepreneuse tapie derrière le minuscule guichet.

Tarte au ciment et thé au fromage

À Julu Place 758, les sacs suisses Freitag ont investi le rez-de-chaussée et le 1er étage de ce qui est aujourd’hui le plus grand magasin au monde de la marque. Au fond, l’éditeur Harbook+ rassemble livres, vélos, tableaux, accessoires de toutes sortes, comme un air de Colette au pays du Soleil-Levant. Je rentre en passant au café M Stand au credo engageant : « Stop wishing, start doing » (arrêtez de désirez, commencez à faire). Au menu, « tarte (grise) au ciment », « thé au fromage et sel de mer », café glacé présenté dans un bac à glaces, là encore dans une chic bouteille en verre, cette fois-ci en forme de fiole de whisky sur laquelle est inscrite « Everyday is a fresh start » (chaque jour est un nouveau départ). Seuls les QR Codes bleus et verts d’Alipay et WeChat Pay à la caisse m’indiquent que je ne suis ni à Paris, ni à Milan ou Berlin.

Tout ce qui s’imagine aujourd’hui dans le retail chinois n’est pas que murs ou miroirs digitaux, empreintes digitales ou faciale. La lame de fond des « unmanned stores », qui permettent d'acheter 24 heures sur 24 fruits, alcool, maquillage ou cigarettes sans passer physiquement à la caisse, ne brise pas les rêves d’humanité et le goût du « small is beautiful » d’une génération d’entrepreneurs créative, ambitieuse et hyper-connectée. Shanghai n’est pas la Chine, mais ici comme dans d’autres villes chinoises, plus que partout ailleurs dans le monde, à une si grande échelle et avec une telle rapidité, se réalise le mariage bouillonnant des magasins Colette et de 4 Casino, le dernier concept du groupe Casino. L’expérience aux caractéristiques chinoises en XXL. 

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