Tribune
Neuf consommateurs sur dix disent consulter les avis avant de préparer un achat en ligne. C'est aussi une mutation de la relation client que toutes les entreprises doivent aujourd'hui intégrer.

T’as de bonnes notes ? Cette question que tous les élèves se sont vu poser a aujourd’hui très largement dépassé le cadre scolaire pour envahir le quotidien de tous les consommateurs du monde. D’abord de manière consciente, puis progressivement de façon plus intuitive, la notation s’est immiscée dans tous les usages, faisant de chacun de nous un juge en puissance, aux pouvoirs redoutables et redoutés. Car il est aujourd’hui possible de donner son avis sur tout et n’importe quoi et de le faire connaître partout. Un livre, un spectacle, un resto, une machine à laver, une location de vacances, un site e-commerce… Qu’importe le prix investi, tout peut se commenter, se critiquer, être encensé, ces retours d’expérience personnels constituant la meilleure ou la pire des publicités qui soit pour les entreprises. Mais aussi la plus précieuse et la plus fiable des sources d’information, les consommateurs faisant davantage confiance aux avis publiés par leurs pairs qu’à l’avis de professionnels.

Selon une récente étude Ifop, nous sommes 90% à consulter les avis avant de préparer un achat en ligne. Devant l’ampleur de ce phénomène, les sites e-marchands et les plateformes en ligne se sont vu imposer des obligations de transparence dans le cadre de la loi pour une République numérique, pour lutter contre les faux avis. Parallèlement, nous nous sommes tous éduqués en développant rapidement un certain sens critique, avec des réflexes d’usage comme la prise en compte de la présence et du nombre d’étoiles affichés, du nombre d’avis publiés ainsi que la mise en balance des commentaires positifs et négatifs pour confronter, comparer, relativiser les informations publiées et finalement se forger notre conviction.

Chasser les étoiles

Si la publication de faux avis a pu paraître une contre-attaque temporairement séduisante, les professionnels ont vite compris que le combat était perdu d’avance et que plutôt que de résister, mieux valait montrer patte blanche. «Il faut 20 ans pour bâtir une réputation et cinq minutes pour l’anéantir. Si vous y pensez, vous agirez différemment», a dit l'homme d'affaires américain Warren Buffet. De fait, la menace a été prise au sérieux. Les temps ont changé, les discours marketing sont passés au second plan, nous sommes passés à l’ère de la communication par la preuve, à la consommation collaborative où l’on peut très facilement partager son expérience mais aussi solliciter celle des autres.

A l’instar des hôtels et restaurants de prestige, ou même des champions du monde avec leur maillot, les étoiles s’affichent fièrement sur tous les supports (devantures, panneaux publicitaires, plaquettes commerciales...) comme autant de témoignages de l'expertise et la qualité de services proposées pour s’imposer comme un véritable atout concurrentiel. Qui n’a pas reçu après un achat en ligne un questionnaire de satisfaction l’invitant à noter le produit ou le service reçu, avec un processus de rappels si le message est resté sans réponse ? 31% des consommateurs donnent déjà spontanément leur avis au moins une fois par mois sur des produits ou services achetés, selon une étude Ifop/Elia Consulting. Il y a fort à parier que cette pratique se généralise rapidement, poussée par les nouvelles générations digital native et in fine, qui l’eût cru, par les professionnels eux-mêmes.

S’exposer à la critique

Tant craints que recherchés, les avis consommateurs sont devenus une norme incontournable pour toute entreprise proposant ses services en ligne. Mais plus seulement. Les secteurs les plus traditionnels s’y mettent aussi, à commencer par les agents immobiliers qui, sur un marché de plus en plus concurrencé, voient dans les avis clients l’opportunité de prendre le virage du numérique, à moindre coût, pour faire reconnaître leur savoir-faire tout en s’inscrivant dans une logique d’amélioration continue. Et ça fonctionne : selon le dernier baromètre de la satisfaction client dans l’immobilier publié par l’Ifop, la note de 7,1/10 attribuée par les Français à leur agent immobilier est en progression constante. Le passage des 1 250 agences du réseau Orpi aux 100% clients interrogés est une parfaite illustration de ce changement de paradigme. Si on consulte les avis pour des biens de consommation courante, pourquoi ne le ferait-on pas pour l’acquisition bien plus engageante d’un appartement ou d’une maison ? D’ailleurs, plus de six Français sur dix déclarent ne pas vouloir consulter une agence qui n'affiche pas d'avis clients, leur simple absence étant jugée peu rassurante pour 46% des personnes interrogées. Etonnamment, il est plus grave de ne pas avoir d'avis que de recueillir (aussi) des avis négatifs. La critique est constructive, en avoir peur, c’est se tromper de combat.

Derrière cette tendance de fond, se cache une profonde mutation de la relation client : au-delà de l’appréciation d’un produit ou d’un service, ce sont aussi les professionnels à qui on a eu affaire qui sont aujourd’hui évalués. Nous ont-ils bien reçu ? Étaient-ils sérieux et compétents ? Leurs tarifs acceptables ? Les recommanderait-on ? Jamais ils n’ont été aussi exposés, les obligeant à considérer la satisfaction client sous un œil nouveau, sous peine de voir leur réputation entachée avec un impact direct sur leur chiffre d’affaires. Si l’on considère le poids représenté par les avis consommateurs sur l’activité d’une entreprise (pour 87% des professionnels immobiliers, les avis clients sont un puissant levier de développement, que ce soit en termes de notoriété ou d'opportunités business), on comprend d’autant plus l’intérêt de recourir à des organismes indépendants certifiés pour recueillir et diffuser des avis contrôlés permettant d’un côté de donner une information fiable aux consommateurs et, de l’autre, de garantir aux professionnels d’être jugés sur une prestation réellement réalisée.

Reconnaissance ultime du rôle décisif joué par les avis clients contrôlés et par extension du pouvoir des consommateurs, le ministère de l’Intérieur a décidé d’intégrer la mesure de la satisfaction des élèves comme prérequis à l’attribution du label «Qualité des formations au sein des écoles de conduite» visant à distinguer les meilleures auto-écoles. Si vous voulez mon avis, loin d’être une pratique filante, la chasse aux étoiles est bien partie pour durer…

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