Chronique

C’est vrai, ça me démange tellement souvent, l’envie de répondre de façon peu courtoise à un de ces e-mailings qui me proposent d’adhérer à la nouvelle appli, au e-relevé, à tous ces e-machins sous prétexte de faire du bien à la forêt, planter un arbre, gagner un séjour dans une cabane dans les bois... De qui se moque-t-on ? Les quelques analyses de cycle de vie disponibles démontrent que l’usage est déterminant dans le calcul d’impact. Mieux vaut, parfois, retrouver dans son classeur ses relevés bancaires format papier que de surfer sur le web. Hé oui, c’est contre-intuitif mais c’est ainsi. Dématérialiser est un sacré faux-ami. Derrière nos plateformes web, nos applications, c’est gorgé de matos, de baies de stockages, d’énormes serveurs, de climatiseurs extraordinairement voraces en énergie. Ajoutez à cela la démultiplication des écrans, des formats, des devices, leur obsolescence ... N’en jetons plus !

C’est vrai que depuis des lustres, l’incroyable campagne aux milliards de vues et gratuite (non, non vous ne rêvez pas) a été la signature de mail : « n’imprimez ce mail qu’en cas d’utilité » avec le petit sapin apposé. On aurait pu mettre le hululement de la chouette, on l’aurait fait ! En marketing, la révolution digitale a pu déferler avec ce halo de virginité environnementale absolument déconcertant : chassons le papier, bouh, pas beau, méchant qui tue les arbres et digitalisons ! C’est bon pour la planète.

Numérique : ses impacts environnementaux vont doubler entre 2010 et 2025 !

Sauf que le réveil est douloureux. L’impact environnemental du digital est une bombe à retardement. Les changements d’usage et de comportements sollicités, notre engouement collectif, la puissance redoutable de l’industrie nous ont fait perdre le nord. Cette révolution technologique se révèle être une catastrophe écologique. Le collectif Green IT publie, ce mois, une étude : « l’empreinte environnementale du numérique mondial ». À l’échelle planétaire, elle équivaut à un continent de 2 à 3 fois la taille de la France et à 5 fois le poids du parc automobile français (180 millions de véhicules). Cette empreinte se caractérise principalement par sa contribution au réchauffement climatique. L’étude prévoit une très forte progression des émissions de gaz à effet de serre des activités digitales qui vont doubler voire tripler (2,2 % en 2010 à 5,5 % en 2025).

L’AACC a apporté son soutien à l’ouvrage de Frédéric Bordage, grand spécialiste de ces questions et animateur du collectif Green IT, Écoconception web, les 115 bonnes pratiques (Éditions Eyrolles). Il s’agit de comprendre et d’intégrer dans nos métiers les pratiques qui permettent de concevoir et développer des sites et applicatifs sobres en énergie et sortir d’une irresponsabilité à ne jamais mesurer l’impact des outils que nous développons au quotidien. À l’heure où les marques et les entreprises souhaitent intégrer les impacts RSE dans leurs pratiques de communication, le sujet est sur la table. C’est d’ailleurs noir sur blanc dans le cinquième engagement du programme FAIRe de l’Union des marques

Alors, notre réponse ne serait-elle pas la qualité du message, la juste information, la bonne distance pour faire dégonfler cette obésité digitale et sortir de l’hyperconnexion que l’on sait aujourd’hui préjudiciable ? Ajoutez à cela (on m’en voudrait de ne pas en parler) l’enjeu de l’accessibilité numérique. Un décret paru au Journal officiel le 25 juillet dernier impose aux grandes entreprises de plus de 250 millions de chiffre d’affaires l’obligation d’améliorer l’accessibilité de leur site internet et des applications mobiles qu’elles développent, au bénéfice de toutes les personnes en situation de handicap. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 21 septembre ! Tout cela pour partager que nous avons du pain sur la planche et une magnifique occasion de participer à ce gros chantier, celui d’un digital efficient, créatif, inclusif ET responsable. 

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