Chronique

Il en a fallu du temps pour concevoir que la communication responsable n’est pas qu’une liste de bonnes résolutions. Il ne s’agit pas uniquement de produire mieux, d’être respectueux des personnes et moins impactant pour la planète. C’est dommage, on finirait le job et on irait boire un coup ! Le sujet, l’énorme sujet, l’éléphant dans la pièce, c’est l’imaginaire collectif que nous construisons ou, tout au moins, auquel nous contribuons au quotidien. Quel modèle de société désirons-nous promouvoir ? Quelles représentations du monde véhiculons-nous ? Quel futur dessinons-nous en creux ? La sortie du Guide de la communication responsable, édité par l’Ademe, nous a offert un beau débat à Science-Po Paris sur le sujet. Le thème était celui du rapport que nous entretenons avec la consommation. Car les modèles de consommation structurent une civilisation : hiérarchie sociale, partage du travail, de l’espace, ses modes de production, de distribution...

Or nous sommes dans un changement de civilisation. D’accord ou non, tristes ou heureux, réfractaires, anxieux, volontaires, nous allons tous devoir accepter que la transition écologique siffle la fin de la partie. Une partie qui n’a pas été joyeuse pour tout le monde. Il va falloir redistribuer le jeu. Nous le savons. Et les résistances sont du côté des gagnants dont nous sommes, il nous faut bien l’avouer. 

La communication se retrouve donc face à un choix très bien décrit par Jacques-Olivier Barthes, directeur de la communication de WWF, dans le guide de l’Ademe : « La question est de savoir si la publicité va mettre sa puissance et sa créativité au service de la transition écologique en informant mieux les consommateurs des impacts de leur consommation et en faisant la promotion d’un mode de vie compatible avec les limites de la planète ou, au contraire, être un vecteur de résistance au changement en continuant à faire la promotion des valeurs de la société d’hyperconsommation. Le choix que fera ce secteur professionnel aura un impact décisif sur la vitesse avec laquelle notre société basculera dans la soutenabilité. » Bien dit non ?

L’utopie écologique plébiscitée par les citoyens

On pourrait regarder ailleurs, laisser passer l’orage si nous n’étions pas attentifs au mouvement profond des attentes de nos concitoyens. Ça accélère vraiment. Enquêtes après enquêtes, les signaux faibles passent au vert fluo. Les Français le disent et le répètent à l’envi : ils veulent que cela change. Vous allez me dire que c’est un fondement sociologique en France : faut que ça change ! Depuis des lustres, certains pouvaient se rassurer sur la permanence de nos modes de consommation : l’abîme restait béant entre déclaratif et passage à l’acte mais nous n’en sommes plus là. Les citoyens bougent vraiment et nous interpellent carrément.

L’étude de l’Obsoco présentée à l’AACC lors du dernier Apéro RSE est passionnante. Trois systèmes utopiques (utopie écologique, utopie techno- libérale, utopie sécuritaire) ont été soumis à l’évaluation d’un échantillon représentatif de Français. Sans être explicitement nommé, chaque scenario a été décrit par une suite de propositions abordant ses différentes facettes (organisation de l’économie, gouvernance politique, modes de vie…) présentées comme « une sorte de société idéale » dans laquelle ils aimeraient vivre. Préférée par 55% des Français, l’utopie écologique ressort comme vainqueur de la confrontation de ces trois mondes possibles quand le système utopique techno/libéral n’est préféré que par 15 % d’entre eux. Le futur hyper technologique assurant la réponse à tous nos maux fait chou blanc. L’homme augmenté peut aller se rhabiller. 

Alors et nous ? quelle part prendrons-nous dans la construction de ces nouveaux imaginaires ? Quelle place à l’invention, à la créativité et surtout pour quelles marques, quelles entreprises ? Qui parmi nous pour défricher ces nouvelles terres ? 

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