Tribune
Sans surprise, les répercussions du coronavirus sont aussi lourdes pour les entreprises que pour les individus. Mais est-il possible, pour les entreprises, de sortir gagnantes de l’immobilisme causé par l’épidémie ? Sans aucun doute.

La période que nous traversons nous met tous à l’épreuve d’un point de vue individuel comme collectif. Avec la propagation rapide de Covid-19, la priorité ne peut être rien d’autre que la santé de chacun et veiller à celle des autres. Toutefois, nul ne peut ignorer la pluie d’actualités économiques liées au coronavirus. Baisses de chiffre d’affaire de près de 60% dans certains secteurs, la plus forte chute de son histoire pour la Bourse de Paris, appel au confinement pour tous les employés en capacité... L’épidémie a des répercussions aussi lourdes pour les entreprises que pour les individus. Et s’il existe des gagnants, comme les services de livraison ou les plateformes de streaming, ces derniers récoltent davantage les fruits de la fortuité que d’une stratégie d’anticipation. Alors que faire ?

A en croire les déclarations du président, Emmanuel Macron, l’épidémie n’en serait qu’à ses débuts. Il est probable que les entreprises soient contraintes de composer avec un nombre grandissant d’employés en télétravail ou en arrêt maladie, de partenaires indisponibles, et que les conséquences économiques ne fassent que s’aggraver. Le tableau n’est pas rose. Mais l’après se prépare et l’essentiel, pour les entreprises, est de comprendre comment faire de cet immobilisme économique une opportunité.

L’étude Anticiper la crise : faire du ralentissement économique une opportunité, publiée par Bain & Company en 2019, a analysé 3 900 entreprises dans le monde afin d’identifier les caractéristiques de celles qui sont sorties renforcées des périodes de récession passées. La clé des entreprises «gagnantes» est d’avoir réussi à conserver en période de crise une attitude à la fois défensive et offensive, maîtrisant leurs coûts tout en réinvestissant pour leur croissance.

Prise de recul sur le business model

L’étude compare la récession au virage serré d’une course automobile : «une récession peut être le meilleur moment pour dépasser ses concurrents, mais cela requiert davantage de finesse de pilotage qu’en ligne droite. Les meilleurs pilotes freinent fortement juste avant le virage, prennent un virage serré, et accélèrent autant que possible en sortie de virage. Les entreprises performantes font de même : elles mettent les coûts sous contrôle, identifient les évolutions nécessaires de leur business model, puis investissent et recrutent avant que les marchés rebondissent.»

Si l’on ne parle pas encore de récession, le ralentissement actuel est l’occasion parfaite pour une prise de recul des entreprises sur leur business model. Au quotidien, une entreprise jongle entre deux types d’activité : des activités dites d’exploitation et d’autres dites d’exploration - ce que James G. March (1991) appelle l’ambidextrie. Les activités d’exploitation consistent à concevoir et délivrer l’offre actuelle ; et les activités d’exploration consistent à transformer les offres pour construire les modèles de croissance de demain. Bien souvent, les préoccupations de l’exploitation écrasent l’exploration puisque, sans répartition claire des efforts, les équipes peuvent préférer les résultats à court terme aux réflexions long-termistes souvent moins concrètes et donc, par nature, plus compliquées à manipuler.

Compenser par des activités d’exploration

Dans ce contexte, l’immobilisme actuel offre une situation non pas rêvée mais favorable. Dans la majorité des cas, les activités d’exploitation ralentissent. Les ventes reculent, les partenaires commerciaux sont moins actifs, et/ou les fournisseurs ne sont pas aussi réactifs qu’à leur habitude. Alors mécaniquement, accepter une réduction de ses activités d’exploitation sans compenser par des activités d’exploration est un manque à gagner. Ces activités d’exploration reviennent à identifier «les évolutions nécessaires [du] business model» pour «accélérer en fin de virage». Alors que les employés travaillent de chez eux et que les projets se décalent petit à petit, il est temps de prendre de la hauteur.

Comment ? Deux niveaux de granularité s’offrent aux entreprises. L’immobilisme actuel lié au coronavirus est l’occasion d'abord de prendre du recul sur leur résistance et leur ambition face à l’incertain et ensuite de construire leur filet de sécurité, d’explorer les nouvelles ramifications pour leur business qui leur permettront de croître plus fort à la reprise de l’activité économique. S’il n’existe de solution miracle ni à l’épidémie du coronavirus ni à ses retombées économiques, il est possible pour les entreprises de bouleverser les logiques de marché à la reprise de l’activité.

Si l’on regarde les crises passées, l’entreprise Safran Helicopter Engines (anciennement Turbomeca) a, par exemple, profité de la récession de 2008 pour lancer une exploration sur le futur de l’énergie dans l’aéronautique afin de pallier les fluctuations du pétrole en temps de crise. En utilisant des approches comme la méthode C-K, développée au CGS des Mines Paristech, cette entreprise a réussi à sortir des concepts radicalement nouveaux donnant lieu à des baisses de consommation à deux chiffres dans ce secteur. Si l’on regarde la crise actuelle et des pays l’ayant traversé avant nous, une agence de voyage chinoise haut de gamme rencontrant une crise à court terme, a décidé de ne pas réduire ses effectifs mais de rediriger leurs efforts sur la conception de nouveaux produits et services pour être mieux préparés à la reprise.

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