Tribune
Plus radicale que ses aînés tant sur l'ampleur des efforts à faire que sur la méthode à appliquer pour changer les choses, la jeune génération ne doit pas être négligée. Il y a urgence à lui tendre la main.

Avant la crise, la jeunesse actuelle était reconnue pour le dynamisme de ses revendications. Environnement, sexisme, discriminations raciales, antispécisme... : la Gen Z a su créer la rupture avec ses ainés, ringardisant au passage l’ensemble de ses prédécesseurs avec deux simples mots : « OK boomer ». Une expression qui s’adresse finalement à tous les plus de 30 ans sans distinction. Face à cet engagement contagieux, les marques ont produit un nombre incalculable de prises de parole autour de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Elles ont tout fait pour rester pertinentes aux yeux de cette jeunesse qui veut réinventer un monde plus juste.

Mais aujourd’hui, au-delà des querelles intergénérationnelles, on craint la véritable rupture. Génération perdue, sacrifiée, frustrée, anxieuse... Les qualificatifs ne manquent pas pour parler de la Gen Z, qui se sent totalement abandonnée suite à une crise qui ne l’a pas épargnée. Alors comment faire pour recréer un lien entre les marques, les politiques, les institutions et cette génération qui veut réinventer le monde à sa façon ?

En termes d’idéologie, la jeunesse d’aujourd’hui ne s’écarte pas drastiquement de ses ainés. Égalité des genres, anti-racisme, écologie... : à y regarder de plus près, leurs revendications sont très proches. Pourtant, si tout le monde s’accorde sur les combats à mener, les perceptions sur les efforts à faire sont très différentes. Les boomers vont se féliciter d’avancer dans la bonne direction quand les jeunes vont s’indigner du chemin qu’il reste à parcourir. Cette différence de points de vue rend parfois le dialogue impossible.
Pour l’historien et sociologue Gérard Noiriel, cette différence s’explique notamment par le paradoxe de Tocqueville : « le recul objectif de l'inégalité augmente la frustration subjective liée aux désirs d'égalité non satisfaits ». Plus on avance dans la bonne direction, plus les inégalités restantes semblent insupportables. Si les injustices semblent se réduire pour les boomers, comparé aux années 60 par exemple, ce n’est clairement pas ressenti de la même façon par les plus jeunes, qui ont découvert le monde dans les années 2000.

Call-out culture et cancel culture

Sur le remède aussi, les points de vue s’opposent. Les ainés vont favoriser une approche des petits pas, prenant en compte des enjeux économiques ou politiques qui semblent insurmontables. La Gen Z a une approche beaucoup plus radicale. Ces méthodes sans compromis s’illustrent notamment par la call-out culture (dénonciation publique) ou la cancel culture (ostracisation imposée) pour faire changer les mentalités. Ce mode d’action s’oppose diamétralement à un ethos soixante-huitard et à son fameux « il est interdit d’interdire ».

L’enjeu pour les jeunes est ici de déconstruire les structures en place jugées néfastes pour le plus grand nombre plutôt que de tenter de rectifier le tir. Il ne s’agit plus de faire des efforts dans la bonne direction mais de réinventer nos schémas de pensée, nos comportements, notre économie, les compromis et autres arrangements ne faisant que perpétuer le système en place.

Face à de si grandes différences, boomers et Gen Z sont dans un dialogue presque impossible. Et il en va de même pour les jeunes et les marques, puisque celles-ci sont en grande majorité gérées par ces fameux boomers. Alors qui doit faire le premier pas vers l’autre ? Puisque ce sont les anciennes générations qui sont responsables de l’état du monde et que ce sera aux jeunes d’en assumer les conséquences, autant leur tendre la main le plus vite possible. Avec son point de vue unique, c’est aujourd’hui la Gen Z qui est la plus à même d’impulser le changement dans la bonne direction et de diriger la transformation. À quand un head of transformation né en 2000 dans les entreprises ?

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