Chronique

Très récemment, Peugeot, puis Renault après Mini, Opel, Dacia, Volkswagen, Kia, Toyota, Nissan, Audi, Fiat, Seat et Hyundai (j’en oublie sans doute) ont, en l’espace de quelques mois, révélé leurs nouvelles identités visuelles. Noires, blanches, épurées. Quel sens accorder à ce mouvement de balancier qui, il y a vingt ans, avait conduit les mêmes à donner à leur logotype l’aspect rutilant des symboles fichés sur leurs calandres ?

Les réponses sont multiples. La plus simple est celle de l’obsolescence des signes qui s’usent aussi vite que les effets de mode. Au début du 21ème siècle, la révolution du numérique a généré sa propre esthétique. Le skeuomorphisme, cette écriture visuelle qui donne au signe l’illusion de la réalité, s’est partout imposé. Bombés, chromés, hyperréalistes, ces nouveaux signes consacraient l’entrée du secteur automobile dans cette nouvelle ère. « Last but not least », comme les boutons des applications naissantes, ils semblaient donner accès, d’un seul clic, au monde infini des possibles.

 

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Vingt ans plus tard, nos rétines se sont usées face à tant d’assauts de représentation. Depuis 2010, le balancier du flat design a entraîné dans son mouvement nos clients et les designers. Au motif d’une économie de moyens, ces derniers en profitent pour revenir aux sources de cette discipline et à la rigueur helvète de l’école d’Ulm. Seulement voilà, nous voici face à des brassées de marques jansénistes, dépouillées, tantôt très réussies comme le signe redessiné pour Renault, mais souvent lisses, sans saveur, transparentes et indifférenciées.

Dans le collimateur de Greta

À y regarder de plus près, on peut lire dans cette tendance massive les stigmates de l’inquiétude qui règne chez les constructeurs. Le secteur est confronté à un contexte et à des difficultés inédites : l’horizon des véhicules autonomes guidés par les géants du numérique conduit les marques historiques à redéfinir leur place dans l’écosystème global pour ne pas se retrouver réduits au rôle de carrossiers… Le « dieselgate » du groupe Volkswagen a frappé les esprits. Après avoir abandonné sa signature manifeste « Das Auto », le constructeur allemand fait depuis profil bas. Plus de son et plus beaucoup d’images. Au scandale de la manipulation s’est ajouté l’effet Greta, qui place la voiture dans le collimateur de la génération qui vient. Le désamour d’une industrie qui a perdu de sa superbe dans nombre de pays matures et la baisse significative des jeunes passant le permis de conduire finissent de brosser le tableau anxiogène de la profession et des amateurs de voitures.
La marche forcée vers l’électrification des gammes esquisse une solution imparfaite, pose de nombreuses questions autant qu’elle rebat les cartes. Le rapprochement Peugeot/FCA qui donne naissance au leader européen en témoigne. Il faut unir les forces et les atouts des uns et des autres pour être en mesure de relever le défi du Pacte vert et de la décarbonation.
Alors, pour parer au plus pressé, l’ascèse identitaire s’impose. Strictement géométrique, elle fait un sort à la représentation et à l’affect pour privilégier le fonctionnalisme et l’efficacité sans âme des mécaniques qui roulent. Ainsi les logotypes qui incarnent le futur de cette industrie sont soit sur la défensive, secs et minimalistes, un peu comme une excuse, soit tranchants comme des armes, voire martiaux comme celui de Dacia. Ici, tout se passe comme si le véhicule devenait une forteresse où se confiner en attendant des jours meilleurs.
Peugeot, de ce point de vue, échappe à la règle. Si l’on peut lire dans l’héraldique du signe un symbole assertif, le dessin raffiné et délicat du lion fait exception. Il s’inscrit dans l’imaginaire de cette marque et le nourrit d’une élégance sereine et narrative. Il inaugure, par là même, avec optimisme, une gamme entièrement renouvelée et électrifiée en 2023. L’avenir nous dira si cette dernière version d’une marque bicentenaire est sa version ultime. Les ingrédients sont en tout cas réunis.

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