Chronique

La semaine dernière, j’accueillais nos nouveaux collègues chez Fabernovel. C’est un moment important, toujours, et agréable. On ne dira jamais assez que ces 18 mois de crise auront empêché la bienvenue des nouveaux et déformé la perception de nos organisations : éloignés, séparés, puis de manière subie ou provoquée, nous avons connu des départs dès la reprise… d’où ce sentiment étrange de surtout connaître ceux qui partent sans avoir bien pu faire connaissance avec ceux qui sont arrivés.  

Nos recrues m’ont posé des questions et j’ai pu les interroger à mon tour. Une question en particulier me taraudait. Allez-vous voyager à nouveau ? Cette génération qui me semblait prendre l’avion pour un oui et pour un non, partir en « city break » le vendredi pour être de retour le lundi grâce à EasyJet ou Ryanair, et, une fois par an, un voyage lointain sac au dos. Je me demande vraiment ce qui va se passer quand la fin de la pandémie rendra à nouveau possible les déplacements mais que les habitudes auront changé, les consciences évolué. En attendant l’avion « net zéro », électrique ou à l’hydrogène, nous ne pourrons en effet plus reprendre l’avion sans penser à notre bilan carbone… La tendance qui s’était manifestée il y a une dizaine d’années est désormais bien plus prégnante, ils et elles sont nombreux à ne plus vouloir prendre l’avion ou alors de manière exceptionnelle. 

New York Roissy en trois heures

Me revient alors à l’esprit une anecdote que j’adore. C’est à mon ami Jean-Michel B. que je demande de me la raconter. Elle remonte à l’époque où il était cadre supérieur dans une grande et puissante entreprise française des années 1990 où il a porté les fondations de l’industrie du capital-risque en France.  Il y a une trentaine d’années donc, il lui est arrivé de partir de chez lui tôt le lundi matin. Arrivé au bureau, à Paris, une urgence l’appelait pour une réunion… à New York. Direction Roissy. Il avait pile le temps de prendre le légendaire AF002 de 10h30, le Concorde qui reliait en 3h45 JFK. À New York, atterri à 8h15, la douane et la sécurité étaient une simple formalité. Sorti un quart d’heure plus tard, il pouvait commencer sa réunion à 9h au Hilton de l’aéroport. Deux bonnes heures de réunion plus tard, retour dans le Concorde qui décolle à 12h45 et cette fois-ci, porté par des vents plus cléments mettait seulement 3h pour revenir à la case départ. Avec le décalage horaire, 23h45 à Paris, Jean-Michel était de retour chez lui pour dormir dans son lit. 

Cette prouesse était à la portée de tous ceux qui avaient les moyens de payer un billet sur un vol commercial. C’était affreusement cher (de l’ordre de 30 000 francs le billet aller-retour soit un peu moins de 5 000 euros) mais tellement moins cher que les millions à dépenser pour les vols suborbitaux que nous proposent les magnats Bezos, Branson et Musk. Cette expérience a de quoi horrifier mes jeunes collègues (la consommation de kérosène du Concorde était à la hauteur de ses performances de Ferrari des airs), conscients de leur impact environnemental et je les remercie d’accepter le sacrifice des voyages qui forment la jeunesse pour nous tous et nos enfants en particulier – eux qui n’en ont pas encore – mais quelle époque héroïque, surtout si on parle d’industrie, de rayonnement et de compétitivité ! 

Mais foin de nostalgie, la vérité c’est qu’on n’arrête pas le progrès et qu’il est ailleurs. Rien ne se perd, tout se transforme ! Nous avons sous les yeux un transfert majeur, le chiffre d’affaires d’Air France est passé chez Netflix et Ikea, la découverte de Prague ou la rencontre avec les Népalais seront sans doute remplacées par des activités sur le lac de Créteil ou l’apprentissage de la cuisine et de la menuiserie. Le balancier reviendra pourtant aussi vers plus de contacts et moins de visioconférences… pas forcément des réunions à New York pour deux heures mais si l’homme libre toujours chérira la mer, cela vaut aussi pour les airs et encore plus pour les rencontres en chair et en os. 

Le temps et le CO2, voici donc ce que nous nous apprêtons à compter et échanger comme jamais auparavant pour définir nos expériences et si rien ne se perd, tout se transforme… la suite, c’est que tout reste à créer ! 



 

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