«La France cherche sa marque» : notre article publié le 18 mars dernier à l'occasion de la sortie d'une étude de W & Cie sur «les leviers et les freins attachés au déploiement d'une marque France» a fait réagir plusieurs professionnels sur Stratégies.fr. Extraits.

Un pays n'est pas une marque

Le débat sur l'identité française fait des petits, même là où on ne les attendait pas. Voici donc des acteurs majeurs de notre profession prêts à emboîter le pas aux politiques (...). Beau programme. Mais, au-delà du caractère franchement «opportuniste» de la démarche, on peut douter qu'un pays puisse être réduit à la notion de marque. D'abord parce que la vocation d'une marque est de créer de la valeur économique, ce qui n'est heureusement pas la seule vocation d'un pays. Ensuite, et c'est peut-être ce qui échappe aux auteurs de cette étude, parce que l'identité d'un pays est la somme de toutes ses composantes – historiques, culturelles, religieuses, ethniques, économiques, etc. – et non l'inverse ! (...) Revenons aux marques qui constituent ce qu'on pourrait appeler le «capital» d'un pays, ses «forces vives»: l'automobile allemande, les montres ou les chocolats suisses, les cosmétiques ou les parfums français. Ce sont ces marques qui contribuent à nourrir l'image d'un pays, à créer sa valeur et à l'enrichir – et non l'inverse. Parce qu'elles défendent d'abord et avant tout des valeurs, une promesse, un territoire propres, etc., et que si leur nationalité est sûrement un des ingrédients de leur histoire, elle ne peut en aucun cas être le plus discriminant. Les marques françaises les plus valorisées dans le classement d'Interbrand sont précisément celles qui ont réussi à s'internationaliser en imposant un style, des valeurs, une histoire, etc., qui embrassent des causes ou séduisent des publics qui dépassent largement le cadre hexagonal. Devrait-on s'en plaindre?

 

Nicolas Chomette, président d'Interbrand Paris

 

Identité ou personnalité ?

(...) Comme tout être humain, une marque ou un produit a une identité qui peut se traduire par un logo, un label, une icône, mais j'ajouterais également l'émotion, la dimension imaginaire de la marque. C'est le complément indispensable pour donner vie à la marque et donner du sens à un label. Nous touchons là à la notion de «personnalité». Exprimer la personnalité d'une marque ou d'un produit, c'est lui donner un contenu, affirmer sa particularité, ses traits de caractère, son intelligence et aussi son évolution dans le temps. Nous nous devons de l'accompagner sur le long terme comme on accompagne un enfant. (...) Créer un label «made in France», contrairement à ce que nous pouvons penser spontanément, est une démarche positive, qui doit se nourrir parallèlement de la personnalité, de la singularité, des forces de notre savoir-faire et de la culture de notre pays. Ne limitons surtout pas cette démarche au seul sceau d'authenticité et de traçabilité, profitons de cette occasion pour redonner aux Français de la fierté et faire savoir que la signature «made in France» est un atout commercial et économique évident. Le luxe l'a bien compris mais elle ne lui est pas réservée. Laissons la liberté aux entreprises de leurs initiatives, de leur production, de leur commercialisation et de leur communication. Ce n'est pas le débat, je pense. Sachons profiter, sans complexe, de cette opportunité pour mieux nous faire connaître et arrêtons de confondre lisibilité et visibilité. (...)

 

Joël Desgrippes, vice-président de Brandimage-Desgrippes & Laga

 

Incarner toutes les énergies

Peut-on réduire un pays à une marque? Non, bien sûr. Faut-il inventer une «marque France» ? Oui, absolument. La mission confiée à Yves Jégo s'impose avec évidence. (...) Les résultats [de l'étude W & Cie] confirment ce qui aurait pu rester à l'état d'intuition: les Français souffrent d'un grave complexe d'infériorité économique et industrielle. Alors même que de nombreuses entreprises d'origine française comptent parmi les toutes premières mondiales, nous estimons collectivement être moins bien armés face à la mondialisation et sa guerre économique que l'ensemble de nos compétiteurs internationaux. (...) La «marque France» est pourtant la plus contrefaite au monde ! (...) Cela pose question. De multiples raisons sont avancées. La principale tient aux 15 millions de Français vivant en situation effective de précarité. Mais nous savons à quel point la performance, l'efficacité, la réussite d'une entreprise et d'une marque passent par la confiance qu'elles suscitent. (...) Il devient urgent de restaurer cette fierté industrielle à l'échelle du pays pour que nous intériorisions nos atouts extraordinaires, nos forces réelles, et que nous en devenions les premiers ambassadeurs. Voilà pourquoi, il nous semble juste de doter la France active, économique, innovatrice d'une marque ombrelle fédératrice et/ou de proposer un label spécifique valorisant les produits (et les emplois) d'origine française. Sans doute, une marque ne fait pas tout, mais elle fait au moins cela: elle porte la fierté et l'ambition. (...) La «marque France» devrait incarner toutes les énergies et témoigner de la diversité qui nous a construits. Adoptée par tous ceux que cela servira, elle fixerait les termes d'un discours partagé joyeux, positif, conquérant et pourquoi pas, impertinent. It's so french !

 

Gilles Deléris et Denis Gancel, cofondateurs de W & Cie

 

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