L'internaute se reconnaît dans Jean-Luc Mélenchon tempêtant contre un pouvoir médiatique en déphasage avec la réalité sociale.

Jean-Luc Mélenchon ne compte pas que Bernard Tapie comme supporter… Le président du Parti de gauche, qui s'en est pris à David Pujadas dans un extrait du film Fin de concession de Pierre Carles, qui sortira le 27 octobre, a reçu nombre de soutiens d'internautes, à en juger par les forums qui sont consacrés à son différend avec le présentateur du 20 heures.

Jean-Luc Mélenchon a traité le journaliste de France 2 de «larbin», de «salaud» et de «laquais» dans une séquence prise sur le vif – et vue par 195 000 internautes sur You Tube –, après le visionnage d'une interview télévisé de Xavier Mathieu, syndicaliste CGT des «Conti».

Depuis, il a refusé de s'excuser et ne s'est pas privé de railler les réactions confraternelles qui se sont manifestées ici ou là («Vous avez vraiment que ça à foutre, a t-il lâché sur France Info. Vous congratuler, vous entr'aimer, vous entr'interroger, pauvres petits chéris, on a osé dire du mal de vous…»).

Dans son blog, l'homme politique indique le 14 octobre qu'il a renoncé à se rendre dans l'émission de Ruth Elkrief sur BFM TV au motif qu'elle a déclaré «ne pas voir de différence» entre Le Pen et lui. Le 12, il avait profité du micro de Jean-Jacques Bourdin sur BFM TV et RMC pour enfoncer le clou: «Je mets en cause un système dans lequel il y a une cohérence, au-delà de la raison, d'un corporatisme noir pour défendre le droit d'un journaliste d'insulter un ouvrier.»

David Pujadas, qui a obtenu le soutien de sa direction, avait demandé au syndicaliste s'il regrettait les dégâts matériels occasionnés par les salariés de Continental dans une sous-préfecture après la fermeture de leur usine, si «la fin justifiait les moyens» et s'il lançait un «appel au calme».

Sur le blog Information 2.0 de Marie Bénilde, du Monde diplomatique, un article résume l'état d'esprit d'une partie de la gauche. Non seulement la colère de Jean-Luc Mélenchon est comprise, mais les commentaires outragés de certains journalistes vedettes volant au secours de Pujadas leur reviennent comme un boomerang.

Pour cette blogueuse, Mélenchon «réagit en téléspectateur bouillant à un certain type d'interview convenu de David Pujadas, dont la violence des propos s'efface parfois derrière le ronronnement du présentateur».

Un commentaire signé «Grommeleur» s'interroge: «Combien de millions de spectateurs s'expriment-ils de la même manière que Mélenchon quand ils regardent le JT en famille?» En somme, l'internaute se reconnaît dans l'homme de gauche tempêtant contre l'expression d'un pouvoir médiatique en déphasage avec la réalité sociale du pays. «Les écoles de journalisme semblent très bien enseigner… le corporatisme», pointe, narquois, Chris15 sur lenouvelobs.fr.

Jean-Luc Mélenchon, bien sûr, compte aussi des détracteurs. «Un peu marre de cette horde de politiciens qui ne savent que faire que du poujadisme en insultant ou en dénigrant les journalistes», indique «Géraaaard», sur lefigaro.fr.

Mais, comme pour le député PS Arnaud Montebourg, qui avait dénoncé en TF1 la «télé du fric», de «la droite» et des «idées qui détruisent la France», c'est aussi l'écho médiatique qui étonne.

Soit le journaliste qui interroge est jugé «agressif» (Jean-Pierre Elkabbach, en l'occurrence), soit la médiatisation du buzz laisse perplexe. Sur Canal+, Arlette Chabot exhibait ainsi le récent livre de Jean-Luc Mélenchon intitulé Qu'ils s'en aillent tous avec cette dédicace: «Ça vous concerne bien sûr.» Promo ou maso?

 

«Un contexte de suspicion»

Aurélien Le Foulgoc, maître de conférences à l'université de Cergy-Pontoise, auteur de Politique & Télévision (INA Editions)

«Traditionnellement, les politiques se plient au format médiatique. Là, on observe une crispation en raison d'un contexte de suspicion. Que ce soit une façon d'exercer un franc-parler pour Montebourg ou de se singulariser pour Mélenchon, cela renvoie aux liens particuliers entre le pouvoir et les médias. La stigmatisation des journalistes vedettes renvoient à l'avant 1981, quand la gauche réclamait le départ de Duhamel et d'Elkabbach. On croyait ce genre de thématiques un peu dépassé. Il n'en est rien. Parallèlement, il y a diversification des formes de l'information politique puisque les interlocuteurs ne sont plus seulement les journalistes, mais les animateurs. Les politiques font leur marché.»

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