La fête de l'Aïd al-Adha, date la plus importante pour la communauté musulmane, s'accompagne désormais d'un autre rituel: le rappel du poids démographique et économique des fidèles de la deuxième religion de France. Dans la droite ligne des débats sur le voile ou la burqa, c'est aussi l'occasion de raconter n'importe quoi sur l'islam et les musulmans. Sur leur nombre, en premier lieu, dont on affirme sans précaution qu'il se situerait dans une fourchette de 5-6 millions d'individus, tout en rappelant l'interdiction des statistiques «ethniques».

Or, non seulement les musulmans ne forment pas une ethnie, mais ce genre d'enquête est parfaitement encadrée par la loi et a été réalisée par l'Insee et l'Ined dans le cadre de l'étude «Trajectoires et Origines». Celle-ci, dont les dernières conclusions viennent d'être rendues publiques, fixe un cadre de référence pour la connaissance des populations immigrées et descendantes d'immigrés.

On y apprend notamment que la population des 18-50 ans se définissant comme musulmans s'élève à 2,1 millions d'individus. Nous sommes donc bien loin des chiffres communément avancés. Même en tenant compte des personnes plus âgées, des sans-papiers, de ceux nés de parents non immigrés et, surtout, des mineurs, on s'aperçoit que la connaissance des musulmans de France est bâtie sur du sable.

Tout d'abord à cause du concept de citoyens de culture musulmane. En effet, selon cette même étude, environ 3 millions de personnes relèvent de cette définition. Il est donc clair que l'autodéfinition, seule méthode apte à respecter la liberté de conscience des individus, contribue à relativiser les fantasmes sur un islam «obligatoire» pour les héritiers de cette culture. Plus avant même, 22% des musulmans autodéclarés attachent peu ou pas d'importance à la religion.

Dès lors, les chiffres avancés sur le marché du halal (5,5 milliards d'euros) prêtent à sourire. Les musulmans dépenseraient donc 2 000 euros par personne et par an pour ce type de produits? Même s'il n'est pas nécessaire d'être musulman pratiquant ni même musulman tout court pour acheter du halal, on comprend bien la fantaisie contenue dans des enquêtes qui reposent sur des bases déclaratives d'une population surestimée.

Le même constat peut être observé concernant la finance islamique, pour laquelle on a parlé de 500 000 clients potentiels alors que l'immense majorité des «cibles» ne sait pas exactement ce que ce concept implique en termes de coût des produits.

Plutôt que de chercher à agréger des cibles disparates, il serait temps de raisonner de manière affinitaire et de comprendre comment toucher d'abord un cœur de cible cohérent. La pertinence des codes, le potentiel de viralité des messages permet ainsi de sortir du ghetto dans lequel la communication ethnique s'est (et se fait) enfermer.

Dans un monde fait d'identités complexes, où même le «mainstream» se doit d'être métissé, séduire pleinement une niche permet de bâtir les grands succès de demain. Le marketing ethnique, sous sa forme traditionnelle, est en train de mourir. Vive le marketing affinitaire !

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