Face à l'édition 2011 du spectacle estival, et désormais récurrent, des dérives du libéralisme, la croisade pour la moralisation du capitalisme est visiblement devenue l'une des priorités de nos politiques. Combat perdu d'avance, le capitalisme n'étant ni moral ni immoral, mais un système vivant qui se nourrit de travail et d'échanges.

Moraliser le capitalisme, moraliser la finance, moraliser l'économie… c'est comme tenter de moraliser un animal régi par ses instincts. Seule voie pour le politique: tenter de dompter la bête… mais sans la blesser, la dominer sans lui nuire, la contraindre sans diminuer ses performances. Cet exercice d'équilibriste a un nom: la régulation.

L'entreprise, en tant qu'agent microéconomique, ne peut, non plus, être morale ou immorale, elle existe seulement pour produire et prospérer en générant des profits. À ce titre, parler de personne morale est une farce, et d'entreprise éthique, une supercherie!

Le philosophe André Comte-Sponville nous rappelle à cet égard que «ce n'est pas l'entreprise qui est morale, mais les individus qui y travaillent, et plus particulièrement ceux qui les dirigent, qui ont à l'être». Et d'ajouter: «Plus on est lucide sur la morale, plus on est exigeant sur le droit et la politique.»

De ce point de vue, le projet de loi relatif à la modernisation du système des produits de santé qui sera discuté ce mois-ci au Parlement, est une illustration édifiante de l'action du politique dans le domaine économique. Et ce qui est particulièrement intéressant dans ce texte, c'est que le législateur ne se contente plus de réguler un marché ou une activité sensible, mais envisage de réguler la relation que l'entreprise entretient avec ses parties prenantes.

Pour un professionnel des relations publics, me voici donc interpellé par une nouveauté que l'auteur a baptisé, au titre 1 de son projet de loi, la «transparence des liens d'intérêt» dont l'objectif est de clarifier et d'assainir les relations entretenues entre les instances de santé et les industriels de la pharmacie.

Je ne m'attarderai pas sur la très en vogue notion de transparence, si ce n'est pour préciser qu'un lien qui est transparent est un lien qui ne se voit pas. Ce qui est sans doute, et en l'espèce, contraire à la volonté du législateur…

Non, examinons plutôt la notion de liens associée à celle d'intérêts. Un lien est ce qui attache, entrave et parfois inféode. Il est le contraire de la relation, fondée sur une identité lisible et assumée et qui exige non seulement le consentement, mais encore la liberté des parties.

La confusion entre «lien» et «relation» est la source de pratiques qui rendent notre métier douteux dans le meilleur des cas, criminel dans le pire, quand elle transforme l'entreprise en une sorte de délinquant relationnel et ses réseaux d'influence en organisation quasi mafieuse où le lien d'intérêt se serait définitivement substitué à la relation éthique.

Besoin de réguler les relations publics? Sans aucun doute. Notons d'ailleurs ici que ce besoin ne date pas d'hier puisque les bases de cette régulation avaient été définies, dès 1964, par un visionnaire nommé Alain Peyrefitte, alors ministre de l'Information et auteur d'un décret sur le thème. Ce décret, toujours en vigueur, précise les rôles de chacun, impose la lisibilité des échanges et interdit les conflits d'intérêts.

Ainsi, si l'esprit de la loi avait été respecté et cette dernière actualisée afin de tenir compte de l'évolution des pratiques et des technologies de l'information, nous ne verrions pas de membres d'instances de santé rémunérés par des industriels, pas plus que de journalistes exerçant des fonctions d'attachés de presse ou encore d'assistants parlementaires celles de lobbyistes.

La loi sur le médicament a sans doute donné le coup d'envoi d'un grand ménage au pays des RP. Ne comptons pas sur les groupes d'intérêts et autres représentants de grands acteurs économiques pour initier ce mouvement. Ils ont trop à y perdre.

C'est aux entreprises de conseil, cabinets et agences de relations publics, représentés par leurs organisations professionnelles, de porter cette réforme et de définir le cadre de cette nouvelle régulation. Dans le cas contraire, et à l'image de la loi sur le médicament, c'est le législateur qui s'en chargera, avec le risque de voir voter des mesures brutales, inappropriées, sanctionnant durablement nos professions.

Voyons cependant, et enfin, dans ce besoin de régulation qui se fait jour, la démonstration éclatante que la valeur est dorénavant dans la relation et que le conseil en relations publics joue un rôle central dans une économie devenue relationnelle et informationnelle. Réjouissons-nous en!

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