Une chose qui frappe le Parisien averti à son retour de congés, c'est l'apparition de publicités géantes sur les frontons des plus beaux monuments de la capitale. Comme si le temps pluvieux avait fait pousser ces immondes champignons sur les parois humides de nos monuments durant l'été.

Ici, c'est une publicité qui vante les avantages d'une tablette coréenne sur les murs de la Conciergerie, le plus ancien témoignage du Palais de la Cité, première demeure royale de la capitale et prison lors de la Révolution. Là-bas, c'est Mister George qui pose pour une marque de montres de luxe sur les flancs du Louvre. Les monuments de Paris se sont transformés en «billboard» de luxe pour les marques.

Triste Paris. Paris humilié, Paris défiguré, Paris balafré par ces publicités monumentales, aurait pu proclamer le «grand homme» lors d'un discours. Pour tous, voici une agression quotidienne de plus. Une nouvelle forme de pollution visuelle. Comme s'il n'y avait pas assez de publicités dans nos vies, le «360°, 365 jours» a fait des ravages. Voilà où nous en sommes tristement rendus…

Oui, ces monuments historiques ont besoin de financement pour se refaire une beauté dans la «ville-musée», comme aiment appeler Paris les visiteurs du «nouveau monde». Oui, on parle de plusieurs centaines de milliers d'euros ainsi récoltés pour la rénovation de la Conciergerie. Oui, mais Paris n'est pas Las Vegas.

Loin de moi l'idée de rejoindre le mouvement des anti-pub des années 1990. Je suis un communicant, c'est mon métier. Plus que quiconque, je sais que la publicité est nécessaire au système économique libéral. Mais je sais aussi que la publicité ne doit pas envahir notre quotidien. Trop de pub tue la pub.

Car le «mal de notre siècle» est de tout mélanger, de tout inverser, de tout confondre. Or, le mécénat n'est pas de la publicité! C'est encore moins de l'achat d'espace publicitaire sauvage. Le mécénat ne donne pas tous les droits.

Le mot «mécénat», qui se réfère au personnage de Caius Cilnius Mæcenas, protecteur des arts et des lettres dans la Rome antique, en passant par Laurent de Médicis, dit Laurent le Magnifique, l'un des premiers mécènes, n'a rien avoir avec cette débauche publicitaire. Si le mécène attend toujours en retour notoriété et image par ses dons, le mécénat doit par essence être discret, fait avec parcimonie et avec talent.

De plus, quels signes envoyons-nous aux générations passées… et aux jeunes femmes et hommes de ce pays? Ces «lieux de mémoire» chers à Pierre Nora sont avant tout des symboles de la justice révolutionnaire pour la Conciergerie, de la culture pour le Louvre.

Or, voici le message que nous envoyons aux passants: circulez, car tout s'achète dans «cette grande braderie» de Paris. En ce sens, les dégâts sont encore biens plus ravageurs pour notre histoire que le manque d'esthétisme de ces publicités disgracieuses.

Alors, oui à un mécénat de qualité et exigeant qui sauvera nos chefs d'œuvre en péril. Oui à un mécénat qui ne confond pas restauration et protection du patrimoine avec une centrale d'achat d'espace publicitaire. Non, nos monuments historiques ne sont pas de simples «billboards» à vendre. Désolé, messieurs les marchands, Paris n'est pas (encore) à vendre mais simplement à restaurer.

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