finances
54% des Français jugent que la monnaie européenne est une mauvaise chose pour eux

«2002-2012, toujours euro?», interrogeait Libération le 31 décembre dernier, à la veille du dixième anniversaire du passage à la monnaie unique. Le quotidien concluait qu'un renforcement de la gouvernance économique, signé en décembre par tous les Etats membres de l'Union à l'exception de la Grande-Bretagne, est «la meilleure preuve de reconnaissance des vertus de l'euro»: inflation maîtrisée, taux d'intérêt peu élevé, crise monétaire rendues «impossibles».

Dans le Journal du dimanche du lendemain, pourtant, un sondage Ifop mené fin décembre auprès d'un échantillon représentatif de 901 personnes, montre que les Français sont loin de partager une telle appréciation. La moitié d'entre eux estime que l'adoption de cette monnaie commune a été «plutôt une mauvaise chose», et ce score s'élève même à 54% quand la question porte sur «vous personnellement».

Le divorce avec les élites, déjà observé au moment du référendum constitutionnel de 2005, est plus vivace que jamais: 70% des gens relevant des catégories socioprofessionnelles inférieures (CSP-) déplorent pour eux-mêmes l'adoption de l'euro («plutôt une mauvaise chose») alors que ce n'est le cas que de 40% des CSP supérieures (CSP+).

Il n'est pas anodin non plus de constater que ce sont les femmes qui nourrissent la plus grande défiance vis-à-vis de l'euro: 57% d'entre elles évaluent ainsi négativement ses conséquences sur leur situation personnelle contre 42% des hommes et 38% se disent même favorables à un retour au franc contre 26% des hommes, selon un sondage Ifop pour Atlantico des 3-4 novembre 2011.

Rien de vraiment étonnant: ce sont elles qui ont été les plus touchées par la dégradation du pouvoir d'achat qui pèse sur le panier de la ménagère notamment sur le plan alimentaire (pommes, baguettes, viande...). Elles encore qui sont les plus fragilisées en période de crise, doivent subir l'érosion de petites retraites ou faire face à des temps partiels et des statuts précaires.

Et tout palier supplémentaire franchi dans la construction européenne suscitent chez elles des inquiétudes: elles sont 68% à s'être déclarées opposées à la hausse de la contribution française au plan d'aide à la Grèce contre 59% des hommes. C'est également le cas de 74% des 15-24 ans et de 70% des 35-49 ans.

«La critique la plus neuve, observe Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégies d'entreprise de l'Ifop, est de nature isolationniste: c'est l'idée qu'on ne doit pas écoper pour les autres».

Au global, l'euro est donc vu comme étant un handicap (52%) plutôt que comme un atout (26%). Nul ne doute plus que son lancement s'est traduit par une hausse des prix. Et ce sont surtout les indécis qui, au dernier trimestre 2011, se sont fait une idée négative (lire l'encadré).

Pour autant, le principe de réalité l'emporte, sachant que seuls 36% des Français souhaitent un retour au franc et qu'ils ne sont plus que 43% (contre 73% en décembre 2003) à convertir les euros en francs.

«Alors que toutes les élites disent que ce serait une folie furieuse d'abandonner l'euro et que seul le Front national en est partisan, le score est élevé, nuance toutefois Jérôme Fourquet. Il touche même la moitié des milieux populaires.» Il est aussi révélateur d'une déception grandissante vis-à-vis d'une monnaie dite de référence qui avait promis une ère de prospérité aux Français.

 

Encadré

 

Jérôme Fourquet, directeur de département opinion et stratégies d'entreprise de l'Ifop.

 

«Les Français, notamment dans les foyers les plus modestes, voient que l'euro est loin d'être un facteur de protection, et que c'est plutôt une source de difficultés supplémentaires. Ils constatent une dégradation de leur pouvoir d'achat depuis dix ans qui affecte leur vie quotidienne. Les indécis se rangent à l'idée que la monnaie unique européenne n'est pas un atout, puisque que 52% des personnes interrogées jugent que c'est un handicap depuis le début de la crise contre 34% en août 2010 et 40% en septembre 2011. Il y a un grand scepticisme par rapport à l'avenir: ce qui était censé être un bouclier apparaît comme une ancre qui nous tire vers le fond.»

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