Dans son livre paru l'an dernier, Eric Scherer, directeur de la prospective et de la stratégie numérique de France Télévisions, posait la question: «A-t-on encore besoin des journalistes?» A sa lecture, dans les constats dressés sur l'évolution de l'environnement de la communication comme sur les enseignements à en tirer, il n'est pas inutile de se retourner le compliment, tant ce que vivent les médias offre de parallèles avec ce à quoi sont confrontées les entreprises et leurs agences.

Le phénomène structurant est celui de l'explosion de l'information. En 2010 déjà, Eric Schmidt, président de Google, affirmait qu'il se créait plus de contenus tous les deux jours qu'il ne s'en était créé depuis la naissance de l'humanité. On assiste en effet à une production toujours plus importante, par des canaux qui se multiplient (tablettes, smartphones, médias sociaux, demain TV connectée), pour étancher une soif elle aussi toujours plus importante (et instantanée), le tout aboutissant au syndrome «d'infobésité».

Devant cette boulimie, souvent alimentée par le sel de la polémique, les entreprises peuvent se retrouver désarçonnées, tant par le volume d'information à gérer que par l'intensité ou son caractère débridée. C'est ici que l'intervention des communicants peut prendre son sens. Comment?

1. Donner les moyens d'étancher la soif tout en saturant les canaux d'information à disposition. Les entreprises doivent se penser comme un média à part entière. Cette nécessité s'illustre particulièrement en cas de crise: devant l'exacerbation de la curiosité de l'opinion et la multiplication des sollicitations, être capable de produire de l'information en masse, rapidement, de manière accessible et, de plus en plus, sous une forme visuelle (vidéos, infographies...) à l'heure de la prédominance du «voir c'est croire» est stratégique. L'exemple frappant est celui de BP aux Etats-Unis, où la compagnie s'est transformée quasiment en chaîne d'information en continu. Mais que l'on pense également au secteur des transports pour les grèves ou les intempéries, où le premier reproche fait à l'entreprise est le manque d'information, et on comprend les bénéfices d'une communication totale.

 

2. Dépasser la logique quantitative pour regagner de la maîtrise. Afin de ne pas se retrouver entraîné dans une surenchère de production de contenus source de confusion, il est essentiel d'y ajouter contextualisation, hiérarchisation, décryptage, analyse, bref de donner les moyens aux audiences de l'entreprise de s'y retrouver pour, in fine, apporter à son discours cohérence et sens. Dans cet environnement parfois chaotique, le rôle des communicants est ainsi plus que jamais de bien appréhender le système dans lequel l'entreprise évolue mais aussi de faciliter sa «lisibilité» par ceux qui l'observent et interagissent avec elle, de faire comprendre sa raison d'être et sa valeur, etc.

 

3. Remettre l'homme au cœur pour recréer du lien et de la proximité. La révolution de l'information en cours et ses corollaires (virtualisation des échanges, désintermédiation généralisée...) doit en même temps nous conduire à réfléchir avec encore plus d'exigence à la place du réel et d'une communication «humaine». Cela signifie en particulier de s'appuyer sur des relais et de leur donner les moyens de jouer pleinement ce rôle: relais internes - on pense, par exemple, à l'atout que représente pour les banques leur personnel en agences - ou externes - à l'image de la SNCF recourant à Nicole Notat comme médiatrice pour accompagner les changements d'horaires.

Une communication humaine, c'est aussi celle de l'effort à mener sur les codes employés, le langage utilisé, pour aller vers davantage d'authenticité et de simplicité. C'est un point de vigilance essentiel pour éviter jargon et langue de bois, machine à saper la crédibilité des institutions et génératrice de distanciation.

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