Les enfants, par nature, n'ont pas le discernement des adultes. Ils n'ont pas ce filtre ou ce sixième sens forgé par les années d'expérience qui font que nous, adultes, devenons vigilants en cas de situation trouble ou équivoque. Ainsi, ils prêtent généralement foi à ce qu'ils entendent dans la vraie vie... ou sur Internet. Comment dès lors prévoir l'équilibre de leurs relations avec les marques présentes sur Internet si Facebook s'ouvre au moins de 13 ans?
Sur les réseaux sociaux, on trouve certes de la publicité, mais on vient surtout y chercher des échanges, des informations, des conversations. Pour les marques, ce ne sont pas seulement des messages publicitaires qui sont véhiculés, ce sont des personnes qui interagissent avec leur cible, dans le cadre d'une conversation en ligne.
Nous ne sommes donc plus dans le duo classique [création publicitaire + achat d'espace] pour faire passer un message (approche que les enfants, finalement, décryptent assez bien), mais dans la conversation... comme avec un ami. Ce glissement de la création publicitaire vers les contenus et la conversation doit être désigné. En clair, une «conversation» d'une enfant de 9 ans avec un modérateur de 31 ans sur la page Facebook d'une marque de toupie, ce n'est pas de la publicité, c'est de l'influence digitale!

 

Encadrer l'influence digitale

Or, comme le rappelle le code de la Chambre de commerce international, l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) stipule que «la communication de marketing ne doit pas exploiter l'inexpérience ou la crédulité [des enfants ou adolescents]».
A la lecture de ce document, il apparaît évident que la surveillance que l'on peut effectuer auprès d'une campagne de publicité déclarée, officielle, planifiée, vole en éclats face aux milliers de conversations quotidiennes que les marques entretiendraient avec les enfants sur Facebook.
On peut bien sûr imaginer que la plupart des marques ciblant les enfants respecteront d'elles-mêmes la bonne mesure qui sied à de telles relations, mais on ne peut pour autant confier aux seules entreprises commerciales le soin de définir les limites. De fait, je crains que les réglementations valables pour la publicité «classique» deviennent poreuses ou obsolètes pour l'influence digitale.
De fait, la publicité dans sa forme actuelle existe depuis 50 ou 60 ans. Comme telle, elle est encadrée et les limites que le législateur lui impose sont forgées par une longue période d'observation et de cas pratiques (voire de procès).
Ainsi, la législation contrôle, par exemple, la publicité télévisée destinée aux mineurs. Depuis 1992, un décret stipule que «la publicité télévisée ne doit pas porter un préjudice moral [...] aux mineurs».
Les marques sont également soumises aux contrôles d'organismes comme l'ARPP et le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Ces contrôles se font a priori, notamment grâce à la mise en place d'un code de bonne conduite pour encourager l'autorégulation des marques et agences de publicité. En cas de faux pas, le CSA peut intervenir a posteriori et bloquer la diffusion d'une publicité.
Les réseaux sociaux n'existent que depuis quelques années et sont de surcroît en constante évolution. L'encadrement juridique et les prises de parole des annonceurs y sont ainsi beaucoup plus libres. Elles ne sont pas soumises en amont à un organisme contrôlant et régulateur.
Ne rêvons pas, ce nécessaire encadrement prendra des années à se définir et se mettre en place, ce qui laisse un créneau assez large pour toutes sortes de dérives.
On m'objectera que le réseau Facebook lui-même encadre les pratiques commerciales et promotionnelles se déroulant sur ses pages. C'est vrai. Mais à la différence des forums où les modérateurs veillent jalousement à la neutralité des contenus, Facebook n'encadre les échanges que par rapport à ses conditions générales d'utilisation et non en vertu d'une quelconque disposition morale ou éthique.
Rappelons tout de même que la formidable «cash machine» de Mark Zuckerberg est fondée sur la précision chirurgicale avec laquelle sa régie publicitaire peut toucher ses utilisateurs. Comment imaginer que les enfants ne seront pas une cible comme une autre?

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