«Elle court, elle court la rumeur.» 11h30, les SMS commencent à fuser, la machine s'emballe avant que les sites d'information spécialisés ne confirment le bruit ambiant: David Beckham va signer au Paris Saint-Germain! Mais pour une information vérifiée, combien de scoops éventés, d'affabulations grossières, de raccourcis ou d'extrapolations? Autre exemple, le supposé «Qatargate» autour de l'attribution du Mondial 2022 n'est que le dernier scénario impitoyable mis en scène par les héros de la justice publique: opprobre générale sur une institution, chasse aux nantis exotiques, une ex-légende du sport au milieu et un soupçon de dîner secret avec un président de République pour épicer le tout… Les faits? Les informations? Les preuves? Indépendamment d'un travail d'enquête plus ou moins minutieux, le mal est fait: la rumeur est lancée, elle se propage dans les gazettes et dans les têtes. Le commentaire l'emporte sur l'analyse, d'anciennes revanches et rancœurs éclosent au grand jour et plus personne ne sait au final démêler le vrai du faux. La politique n'échappe évidemment pas à cela, il suffit de compiler tout ce qui a été dit et écrit autour des déboires du ministre du Budget pour s'en convaincre, entre règlements de comptes, cadavres sortis des placards et indics bien renseignés. Ou quand les journalistes s'affrontent sur les méthodes et le calendrier…

Le fait n'est pas neuf. Pour reprendre le mot de Jean-François Revel, «la rumeur est le plus vieux média du monde». Scénariser des histoires, romancer des informations sont au fondement même du rapport de confiance entre un titre de presse et son lectorat. Internet a tout accéléré, les réseaux sociaux ont bouleversé la temporalité et la presse quotidienne se porte tellement mal qu'un beau scoop vaut mieux qu'un dossier fouillé. Aujourd'hui, chaque individu peut faire part de sa vérité à des milliers d'oreilles attentives. Le propos est grossier et inexact, surtout pour les journalistes talentueux, mais le constat est là, froid, implacable: soyez jetés dans la fosse et vous n'en sortirez pas indemne, quelle que soit votre expérience. «Quiconque est un jour la cible d'une rumeur devient ensuite vulnérable à toutes les autres» (Jacques Attali): réputation et crédibilité sont mises à mal, et c'est à un véritable numéro d'acteur que doivent se livrer les victimes accusées de mille maux, au mépris le plus strict de la présomption d'innocence.

Où commence et où s'arrête l'information? Que vaut la réputation d'un homme face à un scoop? Comment séparer le bon grain de l'ivraie? A l'heure de l'hyperinformation, nous nageons parfois dans le flou, un fait chasse l'autre et la défiance est généralisée. Le chef d'entreprise ou l'élu doit tour à tour s'effacer derrière le communicant «de crise», l'avocat ou le metteur en scène, tant le tempo juridique n'est pas le tempo médiatique… Les techniques de communication doivent s'habituer à cette nouvelle donne, le package jargonneux «statement, Q&A, médiatraining» ne faisant pas office de gilet pare-balles systématique. Transparence certes, vérité surtout, confrontation enfin. C'est l'écosystème dans sa globalité qui est en train de muter en profondeur, amenant nouvelles règles et nouvelles espérances. Plus de concision et moins de brouhaha, plus de pédagogie étayée et moins d'images stéréotypées en somme.
En définitive, c'est la réponse directe et non l'esquive qui permettrait de juger publiquement les coupables et d'épargner les innocents. Les leviers sont multiples, la déclaration à l'AFP a le mérite de la concision et de l'efficacité, tandis que le tweet rageur vaut tous les communiqués du monde. Redonnons aussi ses lettres de noblesse à ce bon vieux courrier, cette lettre qui a le mérite de s'adresser clairement à l'objet de son courroux et qui met à mal les intermédiaires. La lettre de Gérard Depardieu à Jean-Marc Ayrault a remis en pleine lumière le principe du contradictoire et de l'oraison enflammée. L'on peut toujours espérer que les querelles médiatiques se termineront en duels… virtuels.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.