Nous avons appris dans ces pages la création du CGECOM, le Conseil des grandes écoles de communication, rassemblant six écoles de communication concurrentes. Acteur majeur de l'enseignement supérieur privé, avec notamment, l'Iseg Marketing & Communication School (dans sept villes de France avec plus de 2 000 étudiants) nous avons souri, puis froncé les sourcils et enfin, ayant compris les tenants et aboutissants du projet, failli verser une larme de déception.

1. Amusement. Au début était le nom… Dans notre secteur, la CGE (Conférence des grandes écoles) règne sur les écoles françaises les plus prestigieuses. En être membre est un honneur qui s'acquiert après un long parcours qui garantit l'excellence académique et des critères rigoureux sur l'international, la recherche, l'insertion professionnelle. La CGE tient un rôle de conseil auprès des institutions. Nous relevons – mi-amusés et mi-navrés – les similitudes de nom et d'acronyme entre une instance naissante et cette institution établie.Le nombre d'écoles, six, prête aussi à sourire. D'autres écoles pourraient adhérer au projet, encore faudrait-il que cette volonté de rassemblement et de représentativité soit sincère.
Mais c'est surtout le conservatisme des propos, une vision de la «com» passéiste, déconnectée de tous les nouveaux défis de nos métiers qui nous font rire… jaune.

2. Interrogations. L'amusement passé, vient le temps de la réflexion. Qu'est-ce que cela va apporter aux étudiants, aux agences, à notre secteur, aux écoles? Bref, c'est quoi l'idée? Et là… rien! Une telle initiative aurait dû ouvrir le débat sur de vraies questions.

La première, interne aux écoles, c'est l'adaptation aux nouvelles habitudes des étudiants, à un nouveau rapport au savoir qui désacralise le cours et oblige à une remise en question des enseignements, des méthodes et de certains enseignants.

La seconde concerne les annonceurs, les agences et leur implication insuffisante dans les processus de formation. Le renouvellement des générations ne peut se faire sans des professionnels concernés et présents lors de rencontres, de conférences, d'animations… et qui échangent régulièrement avec les écoles. Les nouvelles orientations de l'AACC [Association des agences-conseils en communication], dont nous sommes partenaires depuis des années, et ses journées «agences ouvertes» vont dans le bon sens, mais doivent être renforcées.

La troisième question concerne la transformation des mentalités en matière de recrutement. J'ai appris, en tant que patron d'agence, qu'il était essentiel de compter sur des créatifs et stratèges brillants, mais aussi sur des collaborateurs qui agissent en temps et en heure, avec précision, fiabilité, organisation, à tous les stades des processus. A force de se focaliser sur les seuls HEC, Essec, Sciences Po… on oublie qu'une pyramide a besoin de bases solides. Les compétitions et les marchés se gagnent sur de grandes idées marketing, stratégiques et créatives, mais les clients s'en vont à cause d'un suivi négligé, d'une relation pauvre, d'une écoute imparfaite. Revaloriser le «middle management», c'est reconnaître aux écoles spécialisées de véritables «lettres de noblesse». C'est la mission de ces écoles, qui forment ces cadres, indispensables, de se valoriser, d'assurer le devenir de leurs étudiants, d'assumer leur positionnement, sans chercher à jouer les «grands».

La dernière, essentielle, que ces écoles ne comprennent pas, c'est le besoin accru d'une forte mixité des connaissances et des pratiques, entre communication et numérique. Nous avons par chance (ou un peu plus que cela…), dans sept villes, des étudiants en marketing et communication qui partagent leur quotidien avec des étudiants en création numérique (E-artsup) et d'autres en expertise et innovation informatique (Epitech). Les résultats sont excellents et l'insertion au rendez-vous. Ainsi, nous favorisons la transversalité, le partage des savoirs autour d'expériences vécues ensemble, de projets et d'initiatives communes.

3. Déception. Déception, parce que nous aurions aimé voir de l'audace, de l'imagination, de l'ambition, ce que nous essayons chaque jour de développer chez nos étudiants; voir cette remise en cause permanente qui nous habite et nous pousse à créer le changement plutôt qu'à le subir. Aujourd'hui, les agences ne se battent pas pour des profils classiques, non, elles veulent des jeunes diplômés qui comprennent les NTIC [nouvelles technologies de l'information et de la communication], des ingénieurs capables d'innover sur les «big datas» et les données consommateurs, des créatifs brillants et connectés, des esprits ouverts aux mondes et aux autres, des collaborateurs qui savent travailler ensemble. Ce sont des personnalités que l'on recrute, le diplôme et le prestige ne font pas tout! Les «petites» écoles ont leur place, leur légitimité. Encore faut-il que la modernité et l'innovation soient leur obsession.

Réunir toutes les écoles qui forment aux métiers de la «com» d'aujourd'hui, mais surtout de demain: les écoles de création, de design, celles d'Internet, de communication, de marketing et de publicité… voilà le défi ! Mais les premiers jours de ce conseil nous semblent d'un autre temps, celui où la publicité ressemblait à un épisode de Mad Men. Emprunter le chemin des conventions alors que se présente, bras ouverts, celui de la disruption, quel gâchis ! Nostalgie, quand tu nous tiens…

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.