«Creative newsroom», «digital storytelling», «real time content management»... Le monde de la communication et du marketing voit émerger depuis plusieurs mois une étonnante série de «buzz words» et de concepts associés présentés avec plus ou moins de talent comme LA solution aux nombreux défis que les marques doivent aujourd'hui relever sur le terrain du digital.

Dans une économie de l'attention de plus en plus concurrentielle, les marques ont encore, pour certaines, du mal à trouver leur place et à comprendre comment «engager» durablement leurs fans/followers/publics. Derrière ces tentatives se cache donc l'idée de repenser les modes de production de contenus et de diffusion d'informations des marques en calquant le mode de fonctionnement des médias d'information. Certains pensent que les marques devraient aller jusqu'à créer leur propre «newsroom» et imposer leur tempo en produisant des articles, vidéos, visuels «just in time», particulièrement adaptés aux usages de ses publics en ligne.

 

La «creative newsroom»: un doux rêve? Fermez les yeux et imaginez à quoi pourrait ressembler cette fameuse «newsroom»: une structure sans silo ni partage de territoire, qui réunirait le marketing, le retail, le corporate ou encore le service client. Orientée vers l'engagement, hyperréactive, elle réunirait des experts capables, en fonction de leurs compétences, de répondre aux défis posés par l'ère du contenu-roi: un team créatif, un community manager, un expert de l'analyse de la performance, un spécialiste de l'e-réputation, un professionnel des PR pour rythmer les prises de paroles, une équipe de développeurs capables de créer des «objets numériques», un expert du «paid» en mesure d'optimiser la visibilité de chaque action...

Tous déterminés à engager la conversation avec les audiences de la marque, adapter les messages selon l'actualité, réagir en temps réel. Tous au service de la «brand equity», n'ayant pour seul but que créer de la valeur et du business.

Séduisant, non? Forcément. Réaliste? Pas vraiment, pas dans un futur proche.

 

Avant de se lancer, des questions essentielles à se poser. A la fois en agence et chez les annonceurs, la complexité du digital impose aujourd'hui la mise en relation d'hyper-experts capables de travailler en réseau et de partager leur savoir-faire. Ce fameux modèle de la «newsroom» pose en fait une série de questions cruciales:

Qui est le garant de la ligne éditoriale en lien avec le territoire de la marque (le directeur de la communication, le marketing)? Qui dirige cette «newsroom» et surtout qui en a les compétences? Faut-il faire fusionner des départements (service clients, RP, équipes projets, ...) ou sélectionner les profils plus «digitaux» pour composer cette «newsroom»? Faut-il créer une structure ad hoc, autonome, ou en faire un «hub» au service des autres entités? Comment décliner une stratégie globale, validée par le central et s'assurer de la cohérence avec les filiales et les pays? Quelle répartition, enfin, entre agences et annonceurs, entre internalisation et externalisation (des coûts, des risques mais aussi d'une partie des compétences)?

Bref, derrière l'impératif de créer de l'engagement et de s'inscrire dans un écosystème en perpétuelle expansion, les marques ont surtout à résoudre un immense problème d'organisation et de management.

 

Quel rédacteur en chef pour votre marque? Tout d'abord, la responsabilité d'une telle structure doit être entre les mains d'une personne directement en contact avec la stratégie de l'entreprise. Révolu le temps où l'on pouvait produire des livrables (que cela soit des campagnes marketing, des rapports annuels ou une page Facebook) sans que cela soit connecté à la stratégie de l'entreprise.

A la raréfaction des ressources, il faut répondre par la pertinence et l'agilité. Pour asseoir cette valeur ajoutée, il faut une tête qui incarne, organise et assure la cohérence de la structure. Elle doit donc être connectée en premier lieu à la direction (à tous les sens du terme) de l'entreprise. Ne vous lancez donc pas dans une approche intégrée sans un soutien ferme et appuyé du top management. La communication n'est plus de la communication. Elle devient une partie du business.

Sur un plan organisationnel, il est clair que ces «newsrooms» doivent être déployées chez l'annonceur. L'externalisation peut permettre d'amorcer les choses provisoirement mais aux agences, revient surtout la charge d'accompagner la montée en compétence des équipes, tant aux étages décisionnels qu'opérationnels, et d'apporter idées et expertises ultrapointues.

On le voit donc, derrière ces fameux «buzz words» se cachent en réalité de vrais défis qui remettent en question beaucoup de reflexes ou de principes solidement ancrés. Cette phase de changement ouvre cependant un «champ des possibles» infini. La question est de savoir aujourd'hui quels seront les annonceurs et les marques prêts à relever ce défi.

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