politique
85% des sondés sont sans opinion

La «question du jour», publiée le 6 janvier sur le site d'Europe 1, dit bien la perplexité dans laquelle se débat l'opinion. Difficile de se prononcer sur la circulaire de Manuel Valls, qui demande aux préfets d'interdire les spectacles de Dieudonné au motif de «risques de troubles à l'ordre public» et compte tenu de la teneur des propos antisémites tenus par ce récidiviste neuf fois condamné.

Sur 58 281 «votants», 4% pensent qu'il faut l'empêcher de se produire sur scène car «la liberté d'expression a ses limites», 11% disent le contraire «car cela lui fait de la publicité» et... 85% sont «sans opinion». Le 27 décembre, sur le site du Point où cette dernière option n'était pas ouverte, à la question de savoir s'il fallait «interdire les spectacles devenus réunions publiques de Dieudonné», 75% se prononçaient par la négative (sur 43 800 «votants»).

Vieil oncle bourré

Pas simple, en effet, de déterminer si doit l'emporter la tolérance a priori envers les représentations nauséabondes d'un «comique» ou la vigilance vis-à-vis d'un foyer d'antisémitisme. Sur France Inter, l'éditorialiste Thomas Legrand est catégorique: «On ne devrait même plus parler de spectacle ou d'humoriste», mais plutôt d'un «homme politique qui s'est présenté à des élections» et qui verrait «son parti dissous par la justice».

Yann Marec, dans Le Midi Libre, salue le «combat osé mais louable» de Manuel Valls: «Il serait grave et dangereux qu'au prétexte que certains exploitent les failles d'une démocratie trop bienveillante, nous ne soyons pas davantage vigilants.» Pourtant, Le Monde met en garde: «Si on veut transformer le paria en héros, le victimiser, en faire une sorte de martyr, il faut interdire les spectacles de M. M'bala M'bala. Mais ce serait une grave erreur.» Même idée sous la plume d'Eric Decouty, de Libération: «Ce n'est pas en lui interdisant de se produire sur scène que le gouvernement et la société tout entière se débarrasseront d'un fléau qui prospère sur la victimisation et se plaît en martyr.»

Sur son blog du Figaro, Philippe Bailly montre que Dieudonné tire parti sur Internet des attaques dont il est l'objet. L'institut Media Ray, qui audite 2000 sites et blogs francophones, témoigne que, alors qu'il n'avait que dix mentions par jour en novembre, il est passé à 400 le 30 décembre: «Qu'un agent assermenté suive Dieudonné, date après date, qu'il fasse le relevé systématique de ses dérapages, que les tribunaux soient saisis et les sanctions prononcées... mais qu'on cesse de démultiplier l'impact de ses propos.»

Samy Ghorbal, dans Jeune Afrique, affirme que «la cyberdissidence de Dieudonné se nourrit de l'hostilité des médias traditionnels». Face à cela, estime-t-il, «les réponses classiques - la stigmatisation, l'ostracisme et la censure - sont devenues inopérantes». Pour maître Eolas, il faut donc laisser s'exprimer Dieudonné pour montrer à son public que ses propos ne font pas peur: «Ils font le même effet que les blagues racistes que raconte le vieil oncle un peu bourré à chaque réveillon.»

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