Suggestion: faites un tour sur Twitter et observez les contenus qui y circulent. Vous sentez sans doute ce subtil parfum mêlant vitesse, défiance brutale et créativité bouillonnante. Concentré de l'époque, qui résume assez bien les défis actuels des grandes entreprises et des marques. Car si la confiance n'est nulle part – et les grandes entreprises en mesurent chaque jour les risques – l'innovation, elle, est partout. A la fois plus diffuse et plus rapide que les organisations. «Désormais, résument Nune et Downes (1) du cabinet Accenture, les concurrents d'un marché ne viennent pas du même secteur d'activité que vous.»

Plus de concurrence et moins de temps pour réagir: avec des likes, des shares, des RT et des tops, un produit ou un service compte des millions d'utilisateurs en quelques jours. Les fameux «early adopters» n'ont plus qu'un tweet d'avance sur leurs followers.

On serait naïf d'imaginer que les entreprises s'adapteront sans opérer une révolution culturelle plus importante que toutes celles qu'elles ont menées jusqu'ici. Il ne s'agit plus seulement d'informatiser, délocaliser la production, réduire les coûts et créer des pages Facebook. Il faut remettre en cause la naissance et la propriété des idées. Pour les entreprises habituées aux organisations pyramidales, en silos, le défi n'est plus académique. Désormais, la mise en commun des intelligences, la contribution, la coconstruction… c'est-à-dire la conception sociale (au sens des réseaux sociaux) rendent l'intelligence organisée des firmes moins puissante et créative que celle, collective et autogérée, des plateformes contributives.

En un mot, le succès va davantage récompenser la capacité à identifier et développer très vite des idées que l'appropriation de ces idées. Face aux organisations ouvertes, aux idées libres et circulantes, inspirées de la culture «geek» et du phénomène «makers», la propriété intellectuelle devient délétère. Sceau de la puissance et de la durée, le fameux «©» rassurant du copyright risque de signer l'appartenance à un passé révolu.

Citadelle assiégée ou Open Source

L'entreprise, les marques n'ont plus seulement besoin de clients ou de salariés, mais d'idées. Elles sont là. Dans des cerveaux accessibles – et disponibles – connectés plusieurs heures par jour, qu'il faut approcher et séduire dans un climat de confiance réciproque pour s'en faire des amis.

Fidèles, compétents, impliqués, les amis de l'entreprise doivent lui ressembler et vouloir passer du temps avec elle. Pas forcément chez elle d'ailleurs: pour les conquérir et les garder, l'entreprise devra s'ouvrir. Elle partagera plus pour recevoir davantage. Pas seulement des contenus publicitaires qui la mettent en valeur, ou des conversations 2.0 qui tournent à vide, mais des projets innovants. Elle doit partager ce qu'elle est, ce qu'elle fait, avec des individus et des entités intelligents et motivés. Réfléchir et créer avec cette communauté. En prendre soin. Lui rendre service, lui dire la vérité.

Utopique? Certainement pas. Car si l'entreprise n'est pas toujours une «love-marque», elle intéresse nécessairement un nombre important de personnes – physiques ou morales – qui souhaitent contribuer à l'amélioration des ses produits ou services pour en profiter ensemble. C'est l'esprit «open source» des «like-marques», un esprit de communauté qui crée l'émulation, décuple les idées, booste l'innovation.

Donnant-donnant avec les communautés

Si elles ne sont pas encore activées, ces communautés existent déjà sous des formes plus traditionnelles: ce sont ses clients, ses fournisseurs et partenaires, ses candidats, mais aussi les ex-salariés et – au moins dans certaines activités – des passionnés de son domaine d'expertise. Tous peuvent contribuer très utilement au projet commercial et industriel de l'entreprise, chacun avec ses spécificités. Et au-delà, parce que les clients sont attentifs aux autres produits, les candidats aux autres entreprises et les partenaires à tous les débouchés, chacun effectue, de façon volontaire ou non, une veille permanente du secteur d'activité.

Bien-sûr, la contribution «utile», qui suppose une implication réelle des communautés, exige une contrepartie, gage indispensable de confiance mutuelle. L'entreprise open source doit s'ouvrir vraiment. En jouant à fond le jeu de la réflexion communautaire: il ne s'agit plus en effet de «conversation 2.0» sur des sujets d'entertainment complètement latéraux. Il faut manager et animer la communauté en proposant des thèmes sérieux, opérationnels. En un mot, réels. Faire cas des contributions et discuter des idées et initiatives publiquement, intégrer le travail communautaire dans ses produits/services, payer en temps, en produits ou en numéraire. Et, «last but not least», attribuer l'origine des idées à ceux qui les ont eues, car dans la «nouvelle egonomie», la reconnaissance est une des rétributions les plus précieuses.

Ce n'est pas utopique, mais le mix gagnant est à construire. Il faudra que l'entreprise soit aimable, qu'elle ait un potentiel d'innovation, qu'elle apporte, sinon du rêve, au moins un service perçu comme tel. Il faudra que la communauté soit positive dans le monde de contempteurs qu'est Internet.

La like-marque créera des relations de confiance, à la fois managées et égalitaires, gratuites et rétribuées. Nous sommes encore aux antipodes de ce schéma, et le chemin sera long, mais c'est sans doute le seul qui permette de renouer durablement avec la croissance et avec la confiance.

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