Tribune
Jean-Michel Lhomme, président de l’agence La Rue, revient sur l'image qu'ont les Français des publicitaires. Et se défend, avec de bons arguments.

Selon une récente enquête du cabinet GFK Veirein, les pompiers exercent la profession la plus aimée des Français (98% de bonnes opinions). Jusque-là rien qui ne puisse justifier une tribune dans Stratégies. Mais en se penchant sur les résultats de l'Hexagone, le bas de la liste à de quoi interpeller les communicants que nous sommes: la profession de publicitaire arrive… avant dernière, 24e avec 24% d'opinions positives. Heureusement, les politiques (bons derniers avec 14%) nous évitent un score à la Twin Twin.

La pub est une éponge. A ce titre, il n'est donc pas illogique de nous voir accabler de tous les maux de la société. Et il est vrai qu'en ce moment, entre les crises politiques, morales et économiques, il y a de quoi faire. Les crises passeront et notre mauvaise image avec. Mais quand même, nous sommes la «vraie» profession la moins aimée de France. Même les assureurs, les banquiers et les huissiers sont mieux perçus!

Quels crimes avons-nous commis? Evacuons tout de suite la question de la qualité du produit publicitaire. Il ne me semble pas en cause dans cette crise d'image que traverse la profession. Evidemment, tout n'est pas inoubliable, et le vent de conservatisme qui accompagne la crise économique n'a pas forcément permis de concrétiser les projets les plus créatifs. C'est aussi vrai que deux ou trois storytelling un peu trop «capillotractés» ont pu nourrir une image pour le moins ambiguë, mais pas de quoi susciter un tel désamour.

Car il me semble que dans des circonstances compliquées («juniorisation» des fonctions communication, baisse des budgets, retour du conformisme et sanctuarisation du principe de précaution), on s'en est plutôt bien sortis. Il suffit de regarder les campagnes primées ces dernières années: Evian, Oasis, Milka, Krys… La créativité est bien là. Non, ce n'est pas tant le fond que la forme qui est remise en question.

Il y a l'image que nous avons pu parfois renvoyer de nous. Par exemple, à trop vouloir nous mettre en avant (sur les plateaux de télé notamment) et prendre la place de nos clients, nous avons pu nourrir un amalgame entre leur image et la nôtre. En effet, pas toujours facile de défendre l'équipe de France de foot après Knysna, l'industrie agroalimentaire après l'affaire Findus ou bien encore la probité politique après DSK, Woerth & Co.

Quant aux sorties médiatiques intempestives, comme l'impérative nécessité de la Rolex avant 50 ans, elles auront probablement laissé une trace bien plus profonde que nous n'avions pu l'imaginer. C'est ultra minoritaire et cela n'a rien de représentatif de la profession. Pourtant, et qui mieux que nous pourrait le savoir, c'est bien ce prisme médiatique qui alimente notre mauvaise image aux yeux du grand public.

Mais surtout, il y a l'image que d'autres donnent de nous. Dans les médias, mais plus encore dans la rue, notre profession a désormais mauvaise réputation. Ainsi, des expressions comme «c'est de la com» ou «c'est du marketing» résonnent désormais comme les synonymes de «factice», «mensonger», «immoral» ou «superficiel». C'est à la fois injuste et évidemment faux. Mais qui le dénonce?

Plus grave, me semble t-il: depuis de trop nombreuses années, les politiques, les élites morales et économiques voire quelques ex-publicitaires reconvertis en éditeur de magazine de charme, nous montrent régulièrement du doigt. Selon eux, les publicitaires seraient les profanateurs d'un modèle de société en danger. Les gens grossissent, c'est la faute de la pub. La société se fait plus violente et de moins en moins morale, c'est encore la faute de la pub. Les préjugés perdurent, c'est encore et toujours la faute de la pub. In fine, ils renvoient de nous l'image de manipulateurs prêts à tout pour vendre l'invendable.

Pourtant, notre métier est l'un des plus réglementés qui soit. La pub peut certes enjoliver, mais elle ne peut pas mentir. Cela lui est légalement interdit. C'est tout à son honneur. A notre honneur. Notre métier est nettement plus moral que bien d'autres. Mais qui le dit? Nous n'appliquons pas l'une des règles d'or de notre métier: maîtriser notre propre communication. Alors, en attendant, ce sont les autres qui parlent pour nous… et pas en bien, visiblement.

Nous exerçons un métier passionnant. Et tout impopulaire qu'il soit, cela reste un métier qui bouge, un métier qui séduit. Il n'y a qu'à voir le succès constant des filières publicitaires de nos grandes écoles ou l'incroyable affluence aux journées portes ouvertes. Peu de professions permettent à ce point d'être au confluent de l'économie, du social, de la culture et de l'art. J'aime profondément ce métier. C'est pourquoi j'ai envie de le défendre avec force, à proclamer la fierté qu'il y a à faire de la pub!

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