Les médias l'avaient préparé, certains espéraient l'exclusivité. Mais, le vendredi 19 septembre, Nicolas Sarkozy donnait à Facebook la primeur de l'annonce de son retour. Les résultats furent au rendez-vous: plus de 100 000 «j'aime» et 20 000 partages en trois jours; un «reach» [portée du post] estimé par les équipes à plus de 2,5 millions d'internautes. Sur Twitter, même constat avec plus de 21 000 retweets des messages du candidat à la présidence de l'UMP.

De tels résultats ne manqueront pas de soulever à nouveau dans le monde politique comme dans celui de l'entreprise la question récurrente du moment: Facebook, Twitter ou Instagram sont-ils devenus des médias incontournables pour les dirigeants? Aujourd'hui, selon Twitter, 40% des dirigeants du CAC 40 et du SBF 120 auraient déjà franchi le pas.

Evidemment, on connaît les avantages, passés maintes fois en revue par les commerciaux de Twitter ou de Linked In, d'une présence online pour un dirigeant: la désintermédiation et la possibilité de passer outre le miroir «déformant» des médias. Pour les marques, c'est aussi l'opportunité d'incarner de façon moderne et maîtrisée la vision de l'entreprise, mais aussi de rétablir une proximité et la confiance avec les parties prenantes, à travers un lien plus direct et «sincère». Mais n'est pas Xaviel Niel ou Satya Nadella qui veut.

Trois mots résument les conditions fondamentales pour exister en tant que dirigeant sur les réseaux sociaux: motivation, puissance, agilité.

La motivation, d'abord. La première des questions qui se pose en effet pour un dirigeant est très personnelle: pourquoi souhaite-t-il aller sur les réseaux sociaux? Quelle est sa motivation profonde? Et, last but not least, a-t-il des choses à y dire, une vision, des informations ou une expertise à partager, susceptible d'intéresser? Même géré partiellement par un tiers, un compte Twitter ou Facebook repose sur l'implication personnelle du dirigeant, tant en termes de temps que d'impulsion de contenus originaux, qui feront son «empreinte digitale». Sans ce préalable, tout compte est voué à l'échec.

La puissance, ensuite. Nombre de comptes de dirigeants sont peu visibles aujourd'hui, en particulier sur Twitter. Si le nombre de followers ou de fans importe moins que leur qualité, il n'en reste pas moins qu'un compte est le miroir de l'influence des dirigeants. Et qu'il demeure aujourd'hui compliqué d'émerger sur le web social seul, a fortiori si l'on n'est pas connu des médias ou du grand public.

A cet égard, Twitter ne doit pas être considéré comme l'alpha et l'omega d'une présence médiatique. Les réseaux sociaux ne sont que des outils, qui doivent s'ajouter à une force de frappe «présentielle» beaucoup plus large: prises de parole dans les médias online et offline, participations à des conférences ciblées, relais par les canaux de la marque, etc. La puissance somme toute d'un compte réside ainsi de la savante orchestration de ces différents canaux et de leur entremêlement. C'est ce qu'avait très bien compris le très regretté Serge Papin [le patron de Système U] qui, aujourd'hui, s'est retiré de Twitter, faute de temps mais peut-être aussi faute de compréhension en interne de ce que cette présence pouvait apporter à la marque.

L'agilité, enfin. Derrière ce terme un peu fourre-tout, on désigne deux choses: d'une part, la capacité d'un dirigeant à faire l'actualité ou rebondir sur celle-ci; d'autre part, sa maîtrise des codes culturels qui président au fonctionnement du web social. Le compte de Xavier Niel est éloquent: 15 tweets et 97 000 abonnés. Car le dirigeant sait jouer avec Twitter et l'agenda médiatique: avec son niveau de visibilité, nul besoin pour lui de tweeter régulièrement; le tout est d'être attendu et de susciter l'attente en n'émettant que des informations ou des points de vue «inédits». Avec un compte bénéficiant d'une telle audience, le bouche-à-oreille fera le reste. Reste qu'une présence plus active permettrait de conférer davantage de parts d'avenir aux marques qu'il préside. Mais là, c'est une question d'arbitrage personnel.

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