Audiovisuel
Le paysage audiovisuel panafricain est dominé en zone francophone par de grandes chaînes d’information et de divertissement. Une mesure d’audience quotidienne se fait encore attendre.

Novelas TV. C’est, sur huit pays francophones, la chaîne panafricaine la plus regardée en 2016/2017, selon l’étude Africascope de Kantar TNS. Opérée par Canal+, la chaîne de feuilletons latino-américains s’adjuge ainsi 11,4% de part d’audience contre 8% un an plus tôt. « Dans un marché très éclaté, c’est notable, observe Stanislas Seveno, directeur du département Médias de l’institut. Pays par pays, les leaders sont presque tous des chaînes locales comme RTI en Côte d’Ivoire mais sur la zone francophone, les premières chaînes sont celles qui ont la capacité de se diffuser sur plusieurs pays ». Deuxième en part d’audience (5,1%), et premier en audience cumulée sur sept jours, TV5 Monde continue de profiter d’une  forte notoriété. Elle est rejointe par Trace Africa – qui a annoncé le lancement d’une chaîne au Congo RDC en août 2017 – Canal+ Sport, France 24, Nollywood TV, Action et A+, de Canal+. Signe de cette percée de l’offre, la durée d’écoute de la TV est passée de 3h31 à 4h02 entre 2016 et 2017.

 

Des programmes ancrés dans la réalité. 

Qu’est-ce qui intéresse les publics africains ? Une généraliste comme TV5, qui fête les 25 ans de sa déclinaison africaine, répond par des programmes de plus en plus ancrés dans la réalité des pays. Le 29 octobre, ce sont deux nouveaux visages, N’Fanteh Minteh et Dominique Tchimbalaka, que les téléspectateurs ont découvert sur leur Journal Afrique quotidien passé de 18 à 26 minutes, dont une moitié au format magazine.

Le 31 octobre, c’est une offre numérique «100% Afrique et 100% mobile» qui est dévoilée avec une appli sur Android et iOS et des possibilités de consultation hors ligne des vidéos. L’idée: regrouper la totalité de l’offre de rattrapage avec ses magazines africains, ses infos, ses retransmissions sportives et ses concerts.  Mais c’est aussi dans la diffusion de fictions locales que mise TV5 avec 2,5 million d’euros d’investissement et une quinzaine de séries par an comme la version gabonaise de Parents mode d’emploi ou l’ivoirienne Brouteur.com. «Il n’y a pas un producteur que je rencontre qui ne me dise pas “j’ai des projets pour l’Afrique”», s’enthousiasme Yves Bigot, directeur général de TV5 Monde. La qualité monte de saison en saison. Dans trois ans, les séries africaines seront compétitives ».

Troisième en audience cumulée sur la zone francophone, France 24 s’efforce aussi de renforcer sa pénétration en Afrique où elle émet en français, anglais et arabe. Outre deux journaux quotidiens du soir, la chaîne prépare pour janvier une émission hebdo sur l’actualité africaine en français. Sans oublier les journaux réguliers: «On essaye de faire en sorte que tous aient un reportage sur le continent, souligne Marc Saikali, son directeur, et l’on montre l’Afrique qui gagne, pas seulement celle des catastrophes». France 24 projette aussi de créer avant l’été un décrochage de deux heures le matin ou l’après-midi, en synergies avec RFI, sur la zone francophone. «Je voudrais faire un magazine sur les femmes entrepreneurs, la santé, les jeunes et les nouveaux moyens de communication», relève le patron. «De quoi permettre à des boîtes ou des organismes qui ont du mal à financer des publicités sur un canal mondial de toucher leur cœur de cible», ajoute-t-il.

 

Des positions clés : sport, terrain... 

Les nouvelles chaînes panafricaines sont aussi en pleine offensive pour occuper des positions clés. A+, lancée en 2014, s’est ainsi dotée d’une déclinaison A+ Sport en juillet, avec « une sélection des grandes compétions africaines et européennes à vivre en direct ». Africanews, la chaîne d’information d’Euronews, lancée en avril 2016, travaille aussi à son enracinement africain avec une rédaction de 37 journalistes implantée à Pointe Noire (Congo-Brazzaville) et une rédaction en chef assurée par la Camerounaise Nathalie Wakam. « Nous ne faisons pas des journaux depuis Paris, Londres ou Atlanta, souligne son directeur François Chignac, nous avons des shows en deux langues chaque matin (français et anglais) ». Africanews ne se contente pas de faire des duplex pour pallier la difficulté à faire venir des invités de prestige. Elle mise aussi beaucoup sur le terrain avec ses 70 correspondants dans les pays subsahariens. «L’énorme surprise, c’est un taux de notoriété de 44% selon Africascope, souligne Michael Peters, le président de la chaîne, et nous ne sommes pas loin de 1 million de visiteurs uniques par mois sur le digital où nous lancerons une appli Android après iOS». Selon le patron, les deux tiers des téléspectateurs (2,7 millions par semaine et 300 000 par jour) sont issus des classes moyennes, ce qui correspond bien à sa volonté de ne pas en faire une chaîne élitiste. Mais il n’est pas toujours facile de fabriquer de l’information africaine dans des pays en crise : un bateau chinois a récemment coupé le câble en fibre qui alimente l’Afrique noire et la rédaction attend encore son siège promis par Sassou N’Guesso à Brazzaville. «Le pari est loin d’être gagné mais Africanews est en 2017 de 5 à 10% au-dessus de son objectif et il n’y a aucune interférence éditoriale de chefs d’Etat.»  complète-t-il. Il lui faut aussi plus de 30% de hausse de ses recettes publicitaires pour tenir son plan d’affaires.

 

Intérêt publicitaire pour l'Afrique

La publicité ? Comme dit Laurent Vaneson, directeur délégué de France TV publicité, «on sent monter chez les annonceurs l’intérêt pour l’Afrique mais cela reste de petits marchés difficiles à développer sans outils de mesure commun».  C’est ce que regarde attentivement Médiamétrie qui assure une mesure d’audience quotidienne et automatique de l’audience au Maroc, expérimente l’interview téléphonique quart d’heure par quart d’heure au Cameroun et opère au Sénégal, en Côte d’Ivoire et à Madagascar un recueil en face à face donnant lieu à des bilans semestriels. Problème : il faudrait faire beaucoup plus pour avoir la granularité à la minute du Mediamat en Afrique noire… mais c’est couteux.«C’est l’œuf et la poule, explique Arnaud Annebicque, directeur du business régional de Médiamétrie, un marché pub TV ne peut se développer sans une mesure d’audience quotidienne et automatisée mais cette mesure ne peut se mettre en place sans un marché publicitaire».

La Côte d’Ivoire, qui fera place à de nouveaux entrants dans la TNT à la mi-2018 [voir encadré], est en cela un pays test. Estimée à 15 millions d’euros, les recettes de la TV publique (RTI) ne représentent que 0,01% à 0,05% du PIB contre 0,2% au Maroc et 0,4% en France. En gagnant en volume sous l’effet de la concurrence des chaînes, une mesure instantanée «permettra à la Côte d’Ivoire de s’aligner sur les normes internationales des grandes agences», plaide Arnaud Annebicque. Reste à espérer que le cours du Cacao continue de remonter.

La TNT arrive en Côte d’Ivoire

À la mi-2018, de nouveaux entrants arrivent sur la TNT ivoirienne pour faire face aux deux chaînes de RTI. Des licences ont été accordées à Sorano (Nostalgie), Canal+ pour une déclinaison de A+, Jean-Philippe Kaboré pour une chaîne d’info et d’économie et à l’agence Voodoo Communication de Fabrice Sawegnon pour Life TV. RTI a la possibilité de lancer une troisième chaîne.

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