Musique
Le clip d’Orelsan « Basique », sorti en septembre, a fait sensation avec des millions de vues en quelques heures. Une performance artistique ? Pas seulement puisque le natif d’Alençon l’a transformée en produit marketing.

[Cet article est issu du n°1931 de Stratégies, daté du 4 janvier 2018]

Le clip a marqué cette rentrée musicale. Plus de 3 millions de vues en quelques heures sur YouTube, et voici Orelsan en tête de toutes les tendances sur les réseaux sociaux. Le clip du morceau Basique, issu du nouvel opus de l’artiste normand sorti en octobre, a été réalisé par Greg & Lio (Gregory Ohrel et Lionel Hirlé) de HK Corp. Les deux compères se sont notamment fait connaître grâce à une Victoire de la musique remportée en 2017 avec Jain pour son tube Makeba.

« La relation avec Orel’ [surnom d’Orelsan] a débuté il y a deux ans. C’est lui qui voulait nous rencontrer pour réaliser un clip de son album avec les Casseurs Flowters », déclare Gregory Ohrel ajoutant qu’« il nous a contactés en amont de son nouveau projet pour lui proposer des idées ». Résultat ? Un plan séquence de 2,43 minutes, dans un décor surréaliste, qui dévoile la date de sortie du nouvel album. Un véritable coup de créatif.

Le lieu parfait

Grue en arrière-plan, blocs de béton, graffitis, le début du clip rappelle une zone industrielle désaffectée. Il s'agit en fait d'un pont en construction situé en Ukraine, à Kiev, au-dessus du Dniepr. Un endroit bien connu de nos réalisateurs. Selon Lionel Hirlé : « Nous avions déjà tourné sur ce pont mais seulement de nuit. Du coup, quand la prod nous l’a reproposé, on a trouvé ça intéressant de l’exploiter de jour. »
Un seul plan, de presque 3 minutes, sur lequel on observe l'Alençonnais remonter le pont, entouré d’une haie d’honneur formée par des figurants, tous ukrainiens. Lionel Hirlé explique cette organisation car « le morceau faisait penser à une marche militaire, nous avons donc puisé l’inspiration dans une œuvre comme Full Metal Jacket ». Plus de 350 personnes participent à ce ballet réglé au millimètre.
Le tournage aura pris deux jours et deux plans majeurs ressortent du lot. « Nous avons fait une première répétition jusqu’à la pause déjeuner avec seulement 30 figurants, puis commencé à tourner vers 15h », annonce Gregory Ohrel, alors que les deux amis voulaient « les 300 figurants pour les deux jours », chose impossible pour cause de « restrictions budgétaires ». Un mal pour un bien, d’après Lionel Hirlé : « Pour une question de nombre, il a été beaucoup plus facile de procéder avec des chefs de file pour les répétitions plutôt qu’avec l’effectif au complet. »

À la frontière de l’art et de la pub

Les deux camarades réalisent un coup de maître en dévoilant, à la fin de la vidéo et grâce au positionnement des figurants, la date précise du futur album à paraître, un mois avant sa commercialisation. Nous sommes alors le 20 septembre et l'album La fête est finie est prévu pour le 21 du mois suivant. « Au départ, nous voulions juste écrire le titre de la chanson mais lors de la dernière réunion avec Orel' et Skread [son producteur] ils nous ont demandé de former la date au sol », avoue Gregory Ohrel. Le clip se mue alors en création publicitaire, à la manière de l’annonce faite par le rappeur américain Eminem d’un nouvel album en octobre dernier, le tout caché dans une fausse publicité.
Les deux réalisateurs ne sont pas coutumiers du fait, précisant « ne pas vouloir faire ce genre de clip pour le principe, mais bien avec un vrai concept derrière, en y cachant des indices et des clins d’œil ». La vidéo regorge de références à destination des fans du chanteur. Pour le producteur et fondateur d’HK Corp, John Gitlis : « La fusion entre artiste musique et créatif image a été parfaitement orchestrée et l’émulation entre toutes les parties a été réelle. Nous avons lancé, tourné et livré le clip en seulement 10 jours. » De quoi donner des idées au monde la publicité ?

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