Cahier transition

Par une campagne habile sur Vinted, le réseau Emmaüs a alerté sur la baisse, en volume et en qualité, des dons collectés. Il s’insurge aussi contre la communication des plateformes de seconde main, qui incitent à la surconsommation.

Mouvement de solidarité fondé en 1954 par l’Abbé Pierre, Emmaüs vit des dons de vêtements et autres objets collectés auprès du grand public. La revente dans ses 500 boutiques lui permet de financer 8 000 salariés et des actions d’entraide auprès de 70 000 personnes par an. Mais depuis une quinzaine d’années, l’organisation constate une baisse inquiétante de la qualité des produits qui lui sont apportés. « Sur 100 tonnes collectées, nous ne pouvons en réutiliser que 40, contre 60 auparavant, souligne Valérie Fayard, directrice générale déléguée. Tout ce qui est envoyé en recyclage et en déchet ne rapporte pas de chiffre d’affaires. L’idée de l’Abbé Pierre était de sortir les gens de la pauvreté en leur donnant les moyens d’être acteurs de leur vie, c’est pourquoi nous ne cherchons pas de subventions, pour être libres de notre projet social. »

Coupable désignée de cette baisse de qualité, la fast fashion façon Shein ou Primark, qui inonde le marché de textiles de mauvaise qualité, difficiles à valoriser en seconde main. Mais surtout, les applications de revente, Vinted en tête, qui revendique 16 millions d'utilisateurs en France. Accompagné par L’Agence Verte, Emmaüs est allé provoquer la plateforme lituanienne sur son terrain en postant de fausses annonces sous le pseudonyme « Emma Us ». « Si tu ne le portes pas, donne-le », affichaient les T-shirts imitant les logos de Patagonia ou Supreme. En cliquant sur l’annonce, les internautes pouvaient lire sur l’étiquette : « Ce vêtement n’est pas à vendre sur Vinted. Il est là pour interpeller, sensibiliser, nous rappeler que donner à Emmaüs, c’est (se) donner le pouvoir d’agir, pour la solidarité, pour l’environnement. » L’annonceur a également relayé le message auprès de personnalités : Michel Cymès, Jonathan Cohen ou Guillaume Meurice. « Les annonces sont restées 24 heures en ligne avant que Vinted ne les supprime, précise Valérie Fayard. Une dépêche AFP a signalé l'info et les réseaux sociaux s'en sont emparés. Nous avons eu beaucoup d'articles, de télés, de radios. On sent que les Français sont attachés à la marque Emmaüs. » 

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Le sujet est à l’exacte intersection entre le social et l’écologie. Outre le rappel de son projet solidaire, Emmaüs entend souligner le paradoxe de la seconde main, qui incite à racheter du neuf en vue de la revente ou contre des bons d’achat, à rebours des objectifs de l’économie circulaire. Elle implique aussi des milliers de kilomètres et des tonnes de CO2 pour acheminer les articles. « Tant que l’économie solidaire n’était pas rentable, on n'intéressait personne, mais maintenant qu’elle rapporte, on vient nous concurrencer et ça nous agace, reconnaît Valérie Fayard. Vinted a publié son rapport d’impact comparant l’occasion avec le neuf, mais il faut rappeler que chez Emmaüs, nous ne proposons que des produits donnés, triés et vendus localement. » Enfin, en déculpabilisant la surconsommation de vêtements, les applis de seconde main vont à l'encontre de la sobriété souhaitable pour la transition écologique.

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