Making of

Pour marquer ses dix ans, Moma Group, acteur de l’hospitalité et de la restauration, a fait appel à Frédéric Beigbeder pour réaliser un film drôle et décalé, entièrement émancipé des codes de la communication corporate.

Octave Parango ferait-il son come-back ? Peut-être. Le héros emblématique de 99 Francs de Frédéric Beigbeder est, en tout cas, le héros d’un film atypique, décalé et très drôle que Moma Group, détenteur de restaurants et lieux d’événements (1200 collaborateurs et 130 millions d’euros de chiffre d’affaires), a dévoilé le 5 septembre dernier au cours d’une soirée pour marquer ses dix ans. Un opus qui n’a rien en commun avec les films anniversaire que les entreprises conçoivent traditionnellement pour célébrer leur passage des années, plutôt centrés sur leur activité, leurs réalisations, leur vision. À rebours de ce format, c’est un court-métrage de fiction à dimension artistique et incarné par des acteurs de cinéma qui est imaginé. « Je voulais faire un court-métrage avec un angle, un parti pris, du fond et non un film publicitaire, un portfolio de nos différentes marques. Je voulais faire quelque chose d’émouvant, autour de ce qu’on considère comme étant notre mission : faire vivre Paris, faire en sorte qu’elle reste une fête, être un acteur de son rayonnement », explique Benjamin Patou, à la tête de cet empire de la nuit parisienne, comptant dans son portefeuille d’établissements des lieux et des restaurants comme le Noto, le Manko, L’Arc, Mimosa ou Casa Amor. Trente-cinq au total, principalement situés dans la capitale et dans des lieux de villégiature comme Saint-Tropez.

Ami proche du patron et de l’entreprise, Frédéric Beigbeder est sollicité pour plancher sur l’écriture du scénario et la mise en scène. « Avec son double littéraire Octave Parango, il symbolise le décalage, l’érudition, le brin de folie, le talent, le génie, incarne le dandy germanopratin », confie Benjamin Patou. Le résultat est à la hauteur de cette promesse. Le film voit Octave Parango (Frédéric Beigbeder, qui joue aussi dans le film qu’il réalise) se rendre à un rendez-vous avec « une amie » plus jeune que lui (Romane Colonna) au prestigieux restaurant Lapérouse, l’une des adresses du groupe. Une fois assis à l’étage, qu’il a réservé tout entier pour elle, il amène la conversation, fidèle à sa réputation de fêtard noctambule, sur le thème de « la fête à Paris, c’était mieux avant » avant de se faire planter là par la jeune dame qui, elle, sait bien que la nuit à Paris vaut encore aujourd’hui le coup, depuis dix ans. Font également une apparition : Éric Judor à l’accueil du restaurant, Antoine Duléry en serveur et Benjamin Patou lui-même, en pianiste. « Frédéric Beigbeder, c’est la grande époque de la fête à Paris, Castel, Régine... C’est l’un des grands ambassadeurs de la fête dans la capitale. Nous trouvions drôle qu’il en parle avec un côté nostalgique. C’est un contrepied que l’on trouvait intéressant », explique Frédéric Joly, directeur général de 909 Productions (Mediawan), qui a produit le film.

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Le tournage a eu lieu le 1er juillet au Lapérouse, donc. Emblématique pour le groupe, ce lieu présentait aussi l’intérêt, pour le scénario, d’offrir un décor « historique, poudré, feutré : le film n’aurait pas fonctionné dans un décor contemporain », détaille Frédéric Joly, mobilisé sur place avec quinze à vingt personnes, dont le directeur photo Pierre Baboin, pour mener à bien le projet. Première contrainte : si le restaurant était fermé la journée – pas de gêne pour les collaborateurs puisque les lieux étaient vides –, il fallait impérativement avoir libéré l’espace pour la mise en place du soir. Un timing indépassable, sans compter que dans le cadre de la production d’une fiction courte, en un temps réduit, le moindre pas de côté peut bousculer le planning. Si les prises de vue ont été « efficaces », à raison de trois à cinq selon les scènes, en moyenne, les imprévus n’ont pas manqué. Frédéric Joly se souvient de ces improvisations entre Frédéric Beigbeder et Éric Judor : « Un duo exceptionnel. À chaque prise – il y en a eu trois ou quatre –, ils changeaient le dialogue, ils partaient dans des pistes différentes, la scène finale aurait pu durer un quart d’heure », se souvient-il, racontant l’équipe, conquise, derrière la caméra. Et quand au cours de l’après-midi on apprend que Nicolas Bedos, retenu initialement pour le rôle du pianiste mais bloqué sur le tournage de sa série, ne viendrait pas, la nouvelle fait couler des sueurs froides aux organisateurs du tournage. « La lumière était calée, les caméras étaient en place, tout était prêt pour tourner la séquence… » Il fallait trouver une solution parmi les gens présents : c’est Benjamin Patou lui-même, pianiste, qui s’y colle finalement. Ni vu ni connu, pour le résultat final. « Le ton humoristique s’est sans doute renforcé au moment du tournage, j’ai senti que Frédéric Beigbeder s’appropriait encore plus son propre scénario. Au montage, on a accentué ce ton décalé, avec ce type seul au resto… », avance encore le producteur, par ailleurs ancien présentateur d’Exclusif sur TF1.

Les images tournées ce jour-là ont également permis de nourrir un trailer, diffusé sur les réseaux sociaux en amont de la révélation du 5 septembre. Car si Moma Group souhaitait « tout sauf un film corporate », la logique a été poussée jusque dans la communication autour du film, en adoptant les codes en vigueur pour une sortie de long-métrage au cinéma. À savoir, une sorte de bande-annonce, donc, mais aussi, le jour J, un live Instagram où Laurie Cholewa, l’une des figures des César sur Canal+, faisait réagir les invités présents à la soirée, y compris sur le film. Si le dispositif est ambitieux, c’est que les intentions du groupe, pour la prochaine décennie, le sont tout autant. Moma Group, dont Patrick Bruel et Éric Sitruk sont récemment devenus actionnaires, souhaite déployer ses restaurants phares en propre ou en franchise et s’étendre à l’international, notamment aux États-Unis, au Moyen-Orient et dans les principales capitales européennes. Ayant surmonté la crise du covid, il vise 40 nouvelles ouvertures en France et au-delà des frontières d’ici à cinq ans.

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