Nouvelles technologies
Véritable buzz en 2016, le phénomène des chatbots, censés se muer en véritables assistants de vie, est vite retombé. En cause : la sur-promesse en termes d'intelligence artificielle qui a provoqué bien des déceptions. Quatre ans plus tard, qu’en est-il vraiment de cette technologie ?

La promesse

Le fantasme, c’est Samantha, la voix intelligente du programme informatique capable de s’adapter à la personnalité de chaque utilisateur dans le film Her de Spike Jonze. Une fiction qui a largement démocratisé la notion d’« agent conversationnel ». Autrement appelé chatbot, le concept désigne un logiciel susceptible de dialoguer avec un humain - un consommateur, dans le cadre d’un chatbot de marque. Ses origines remontent à 1950, date à laquelle le professeur Alan Turing imagine son fameux test d’intelligence artificielle (IA) fondée sur la faculté d'une machine à imiter la conversation humaine. Internet et notamment les messageries instantanées vont permettre aux chatbots de se populariser. Dans les années 2000, le grand public les découvre via des expérimentations de grandes marques, aux jolis prénoms féminins : Emma (MMA), Anna (Ikea), Clara (Fnac), Lucie (SFR)… Puis, dans les années 2010, au tour des Gafa de présenter leur assistant vocal : Siri (Apple), Now (Google), Alexa (Amazon), Cortana (Microsoft). Les outils se multiplient, se simplifient et deviennent accessibles à tous. En 2016, le chatbot commercial devient hype : les marques de toutes tailles et de tous secteurs y voyant une occasion de se montrer innovante et pionnière… Et les boîtes mails des journalistes sont saturées de communiqués de presse tous plus aguicheurs les uns que les autres. Au programme : un ami virtuel compétent pour tenir une conversation et répondre aux questions de son interlocuteur.


La désillusion

Problème : à l’épreuve du test, le fossé entre les promesses des communiqués et la réalité est souvent source de déception. Notamment en termes de compréhension et de génération de texte, même de simples mots-clés. Le résultat est plus proche du répondeur automatique du type « pour le service commercial tapez 1 » que d’une conversation « human like » à la Samantha… « Toute tendance marketing, en particulier quand elle inclut de la technologie, fait systématiquement rêver les marques… et leur fait vendre du rêve, remarque Thomas Gouritin, expert et formateur en conception de chatbots et vulgarisateur IA. Elles ont foncé tête baissée sans se poser la question fondamentale du cas d’usage. » 
Selon une récente étude d’Opinion Matters, 59 % des entreprises françaises pensent que l'IA permet de rendre le service client plus efficace. Pourtant, 92 % des consommateurs français ressentent une frustration lorsqu'ils traitent avec des chatbots et 36 % préféreraient ne jamais à avoir à interagir avec eux. La vérité est qu’aujourd’hui, la technologie ne permet pas de concevoir un robot capable de tenir une conversation en langage naturel, même pour les Gafa. Ce que de nombreuses marques ont vendu comme de l’IA n’en était pas. En somme, il existe deux catégories de chatbot : celui à interaction « faible », qui ne peut répondre qu’à des questions prévues à l’avance par le développeur, et celui à interaction plus « forte », qui pourrait apprendre et s’améliorer tout seul au fil du temps (machine learning). « Il serait temps pour les marques d’assumer que les chatbots de relation client appartiennent à la première catégorie », lâche pour sa part Jonathan Charbit, ceo fondateur de Saas Advisor, spécialisée en choix de solutions technologiques.


Et demain ?

Malgré la déconvenue, force est de constater que le chatbot demeure un outil intéressant. La majorité des interactions clients deviennent digitales et les consommateurs sont désormais habitués aux messageries instantanées. Gartner prévoit qu’en 2022, 72 % des interactions clients impliqueront des technologies émergentes telles que le messaging, les applications mobiles et les chatbots, contre 11 % en 2017. L’évolution est réelle. « L’atout majeur des chatbots réside dans le gain de temps qu’il représentent pour les entreprises en les déchargeant des questions “de premier niveau”, sans grande valeur ajoutée », explique Jonathan Charbit. Le bon exemple, cité par tous les experts, c’est OUIbot de la SNCF. Son service est clair, précis, le consommateur sait ce qu'il va trouver : achats de billets, informations de circulation, ses commandes, etc. « Dans les prochaines années, les chatbots seront capables de gérer des cas plus complexes. L’idée du moment est de mixer IA et arborescence simple pour obtenir un chatbot hybride », entrevoit Thomas Gouritin. Mais patience, même Meena, la nouvelle IA conversationnelle « ouverte » présentée par Google fin janvier, censée parler naturellement de tout et de rien, a encore de grand progrès à faire pour devenir Samantha.

Les trois règles d’or

  • Rendre un vrai service. Bien identifier ses consommateurs et leurs besoins permet de proposer un service précis et s'y tenir. La communication autour du chatbot doit être clair sur ce périmètre. Les boutons call-to-action lui permette de rediriger l’utilisateur sur d’autres canaux (site de vente, téléchargement d’application, téléphone à un humain, etc.). Pour aller plus loin, l’utilisateur doit toujours pouvoir basculer dans une relation avec un support client « humain ».
  • Cadrer la conversation. Aucun intérêt à faire croire à l’utilisateur que le chatbot peut répondre à toutes ses questions. Si l'utilisateur est venu pour connaître la météo, par exemple, inutile de lui faire des blagues ou de lui montrer des vidéos. Dès le début de la discussion, le chatbot doit clarifier son champs de compétences. 
  • Co-construire le parcours. Faire appel à des consommateurs réels pour concevoir l'arborescence conversationnelle de son chatbot est une nécessité. Elle permettra d’éviter bien des écueils.
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