Le billet

Ça y est. Il a cédé. Le dernier bastion de l’intermédiation, la dernière institution qui faisait preuve d’autorité, la voilà partie en fumée : la science. Après avoir désintermédié les médias, les taxis, les banques, les assurances, les loueurs de voitures, les agences immobilières, on a voulu désintermédier la politique, en demandant plus de référendums, et voilà que l’on désintermédie la preuve scientifique. Ça y est, la France compte 65 millions d’infectiologues passionnés. Le débat sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine et du protocole du professeur Raoult fera date comme la prise de la Bastille, pour certains. Alors qu’il faut des années pour apprendre la statistique, pour mesurer la complexité des études épidémiologiques, ou même tout simplement de la médecine, chacun glose à souhait sur la dernière parution scientifique en date publiée dans la revue The Lancet. Celle-là même qui remet en cause l’utilisation de la chloroquine, médicament prescrit depuis cinquante ans, ou un de ses dérivés, ou un combiné, ou un autre truc du genre, on ne sait pas très bien, mais on est sûr qu’elle a tort ou qu’elle a raison. La preuve scientifique, fille de la contradiction, et qui faisait encore, dans le débat public, office de structure de vérité partagée, n’est plus. Les querelles de chercheurs sont devenues des discussions de machine à café, où chacun reste le nez dans son verre, à déguster ses certitudes. Alors que, faire de la science, c’est chercher à se contredire soi-même. Tout l’inverse.

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