Evénementiel
A mesure que l’entreprise se transforme, les «digital days», événements internes de sensibilisation au numérique, mutent. Aujourd’hui, ils sont plus ciblés par métier, et davantage «business».

Un chief digital officer (CDO), des tablettes de fonction pour les salariés, un réseau social d’entreprise… et un «digital day». Si le kit de la transformation digitale des entreprises existait, le «digital day» y occuperait une place de choix. Ce rendez-vous annuel consacré au numérique peut prendre des visages différents selon la maturité de l’entreprise, son secteur d’activité, mais il est devenu incontournable dans les outils d’aide à la transformation. D’ailleurs le Hub institute propose aujourd’hui aux groupes, depuis quelques semaines, de leur organiser des «digital days» clés en main. Au-delà du phénomène de mode, à quoi servent réellement ces temps forts du digital ?

 

A l’origine, le «digital day» était un rendez-vous d’initiation au numérique. «L’objectif premier était de sensibiliser une large audience au digital, avec un format pratique d’une journée ou d'une demi-journée, décrypte Brice Vinocour, directeur adjoint de la digital university (groupe DDB). Montrer que l’entreprise comprend et intègre ces nouvelles logiques, apporter les preuves en interne qu’elle prend le sujet en main.» Le «digital day», c’est bien souvent la première pierre posée dans le grand chantier digital.

 

Le «digital day» a d’abord un rôle de sensibilisation et a pour but d’attiser la curiosité des salariés. Bien sûr si l’entreprise en reste à cette étape-là, on frise le «digital washing». «S’il y a juste un "digital day" et pas autre chose, c’est un peu le service minimum, cela revient à orgnaniser un événement gadget où tout le monde vient applaudir, mais il ne se passe rien après...», juge Anthony Poncier, directeur Europe, transformation digitale, pour Publicis consultants. Même s’il peut y avoir un objectif louable de communication interne et de team building (lire l’avis d’expert ci-dessous).   

 

«Ce qui est important c’est le symbole que cela représente pour la société et que cela permette de partager une certaine vision, dit Emmanuel Vivier, cofondateur du Hub institute. Derrière, cela doit déboucher sur d’autres choses : des formations, des Mooc (massive open online course), des groupes d’échanges, ou pourquoi pas, un blog de veille comme nous faisons pour SFR.»

 

Segmentation par métier.

La tendance aujourd’hui est d’ailleurs davantage à segmenter les «digital days» par métier, pour plus d’efficacité : le but est moins d’informer que de former, de partager les pratiques. «Nous avons ainsi organisé 50 sessions de deux jours pour toutes les équipes marketing d’Orange, avec en général des keynotes le matin et des "workshops" (ateliers) l’après-midi, détaille Emmanuel Vivier. Chez TF1, les commerciaux on et offline aussi ont eu droit à leur sessions digitales.» Une segmentation logique pour plus d’efficacité.

 

« Cela s’accompagne d’une stratégie de formation différenciée selon les cibles, car tous les métiers (marketing, RH, juridique...) ne sont pas affectés de la même manière par le digital, mais tous sont concernés, note Brice Vinocour. Il faut donc prévoir des formations qui vont plus loin dans le développement des expertises métiers. D’autant qu’il est logique que les besoins de sensibilisation au digital décroissent au fil du temps.»

 

Une seconde vie.

Au Hub institute, Emmanuel Vivier fait en sorte de donner une seconde vie aux «digital days» : «Nous développons des formats sur mobile en "mode snacking" pendant plusieurs mois après l’événement : par exemple des quizz sur mobile ou encore un Facebook privé, comme nous avons fait pour les 130 community managers du groupe PSA.»

 

Au fil des ans, le «digital day» peut aussi être le lieu où l’on fait un point d’étape sur la mutation de l’entreprise : «Dans ce cas, le "digital day" couronne des projets de transformation, sert à montrer les résultats, ou encore à remercier les équipes, dit Anthony Poncier. Quand le "digital day" deviendra une simple réunion business d’équipe, comme une autre, cela voudra dire que l’entreprise aura réussi sa transformation digitale.» Chez L’Oréal luxe par exemple, le digital summit a évolué au fil du temps et sa cinquième édition, qui vient d’avoir lieu début février, a été beaucoup plus «business» (lire encadré ci-contre). «Même si la semaine est très studieuse et rythmée, cela doit aussi être un moment de partage et doit nous permettre de créer des synergies entre nous, d’autant que l’on travaille toute l’année en équipes virtuelles et cela ne fonctionne que si l’on se voit réellement, explique Vincent Stuhlen, directeur du digital de l’Oréal luxe. Enfin c’est aussi l’occasion de faire la fête ensemble.» Du classique.

 

Avis d’expert 

Guillaume Aper, président de l’Association française de communication interne (AFCI), directeur adjoint de la communication de JCDecaux

 

Le «digital day» est-il la nouvelle grand-messe de l’entreprise ?

 

Guillaume Aper. Il faut distinguer selon les types de sociétés. Pour des groupes, comme Orange, qui ont un réel enjeu business autour de la transformation digitale, les «digital days» sont stratégiques et doivent permettre à tous les collaborateurs d’embarquer dans cette mue digitale. Dans d’autres cas, c’est plus défensif : il faut simplement que les salariés sachent que le digital est là, même s’il n’y a pas de chantier précis à enclencher. L’idée est d’ouvrir le champ de vision des salariés sur ce qui les entoure, avec en toile de fond la peur de se faire «überiser» par un nouvel entrant sur le marché de l’entreprise.

 

C’est un nouvel outil de communication interne ?

G.A. Oui car cela touche à la fois aux évolutions de la stratégie et de l’activité. C’est vital pour les entreprises d’expliquer à tous les salariés pourquoi elles s’engagent dans ce virage digital. Au départ ces «digital days» consistent plus en des actions de communication classiques, puis deviennent des «innovation days», où l’on montre aux salariés des nouveaux outils et où on leur fait tester des choses. Progressivement, il y a une évolution de l’information à l’événementialisation, puis à la formation. Une bonne façon d’ouvrir les portes et fenêtres de l’entreprise sur l’extérieur sur le mode de l’open innovation. Enfin ces rendez-vous permettent aussi de voir si les messages passent ou pas, d’avoir des retours des salariés.

 

2ème encadré

 

Chez l’Oréal luxe le digital summit est très «business»

Début février, L’Oréal luxe a réuni pendant une semaine, 150 personnes (patrons de zones, directions marketing internationales, équipes digitales globales…) venues du monde entier, à Paris, pour son digital summit. «C’est notre 5ème événement en quatre ans, dit Vincent Stuhlen, directeur du digital de l’Oréal luxe. Au fil du temps notre digital summit a évolué vers des réunions business, où l’on s’intéresse à la performance de l’activité e-business de l’année précédente, on échange sur la stratégie, et on remet des prix aux meilleures pratiques.» Chez l’Oréal luxe, le digital représente 6 % du busines total et 25 % de la croissance. Lors de ce digital summit, il y a eu des interventions de partenaires externes comme Google, des «workshops» opérationnels… «Comme des patrons de pays et de marques sont présents, c’est aussi l’occasion de casser les silos et d’entraîner l’ensemble de l’organisation vers le digital», conclut Vincent Stuhlen. 

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