Communication
Moins ringard, plus court, plus authentique, intégrant des images d’animation et de drones… Le film corporate qui tient salon, fin mai, à la Baule, affiche un nouveau visage, profondément transformé par le numérique. Enquête.

Des salles de projection, du sable fin et des palmes pour les meilleurs films… En ce mois de mai, le rendez-vous incontournable des réalisateurs n'est pas à Cannes mais à La Baule, où se tient du 27 au 30 mai le festival international du film… corporate. Tout le gratin du film d’entreprise se retrouvera dans cette station huppée, pour ce nouveau rendez-vous où les organisateurs attendent plus de 500 personnes. Le projet: en faire le nouveau festival du Creusot, rebaptisé en 2006 le Fimac (festival international des médias institutionnels corporate) et qui s’est arrêté en 2011, après vingt-cinq éditions.

«Il y avait une demande très forte des producteurs et prestataires de films corporate pour ce rendez-vous, rappelle Denis Harnois, président de Films & companies, à l’origine du nouveau festival international du film corporate. J’ai décidé de le relancer à la Baule.» Durant quatre jours, il y aura des conférences, des workshops, et aussi la possibilité de visionner les 274 films en compétition pour les différents prix. Pour cette première édition du festival, il y a de nombreux partenaires: Communication & entreprise, l’AACC, l’Anaé, le Medef… L’occasion de faire le point sur les nouvelles tendances du film corporate.

Coup de jeune

Bien sûr, comme partout, le numérique a modifié la donne pour le film corporate. L'occasion d'un coup de jeune. «Le film corporate est un des seuls secteurs qui se développe: il y a aujourd’hui de plus en plus de films, constate Denis Harnois. Avec tout de même des budgets divisés par deux.» Mais il y a une dynamique dans ce domaine. Le format, aussi, a changé: en 2015, le film corporate est de plus en plus court. «Nous sommes passés de films qui faisaient de 10 à 20 minutes, à une durée moyenne de 5 mn, avec même des formats très courts de 2 à 3 minute(s)», constate Denis Harnois. Et parfois même des films de 30 secondes à 1 minute, destinés à faire le buzz sur les réseaux sociaux.

Aujourd’hui le film corporate est moins formaté, contient moins d’images catalogue de l’entreprise et abandonne souvent sa traditionnelle voix off. Takis Candilis, président de Lagardère Entertainment, qui a visionné des films en compétition, en tant que membre du jury, constate cette diversité: «Tous les genres sont possibles, du film publicitaire au format plus basique ou reportage, en passant par le film d’animation…  Et il y a, pour point commun, une nouvelle forme de narration qui correspond au net, avec une manière plus efficace, plus directe et parfois plus émouvante de traiter le sujet.» Ce que confirme Bernard Dumas, réalisateur: «Il y a l’émergence de nouvelles écritures très composites, mêlant vidéo traditionnelle, web, graphisme, humour».

Autre tendance, dans sa quête d’un discours plus authentique, ce qu'on appelait naguère le film institutionnel met davantage en scène les collaborateurs. «De plus en plus de films d’entreprises font la part belle aux salariés, les impliquent pour communiquer et mieux fédérer les équipes, dit Katia Bekasinski, chef de projet éditorial et audiovisuel au Medef, et membre du jury du festival. Exemple avec Air liquide qui a digitalisé son rapport annuel, avec un film en plans séquences pour expliquer les missions du groupe, en mettant en avant ses collaborateurs».

Films jetables

A mesure que les films corporate gagnent en qualité, «ils sont intégrés au dispositif global de communication des entreprises sur le web et remplacent parfois les films publicitaires ou alors sont utilisés comme des programmes courts», selon Denis Harnois. On assiste même à l’émergence de films jetables: «Ils sont brefs, destinés à une seule utilisation, avec un petit budget, et correspondent à une opération, à un événement, à une sensibilisation sur une thématique, ou au discours d’un manager pour recadrer une situation», relève Bernard Dumas, réalisateur, membre du jury.
«En revanche il ne suffit pas de mettre des images bout à bout pour donner du sens, regrette Nicolas Lewandowski, coprésident de la compagnie des Réals (association qui compte une petite centaine de membres). La réduction de la durée des films, qui se transforment en clips, peut avoir ses limites, en termes de contenu.» Autre regret des réalisateurs, la baisse des moyens: «Aujourd’hui, c’est du luxe de réunir sur un tournage un réalisateur, un chef opérateur et un preneur de son, constate Nicolas Lewandowski. Souvent le réalisateur est obligé d’être lui-même derrière la caméra et n’a plus le recul nécessaire pour faire correctement son travail.» Enfin les prises de vues aériennes depuis des drones sont de plus en plus utilisées dans les films corporate… 

Avis d’expert

Xavier Couture, président du jury du festival du Film corporate, et conseiller du président d’Orange


Assiste-t-on à un renouveau du film corporate?

Xavier Couture. Avant, le film corporate avait une fonction de prolongation institutionnelle de l’espace publicitaire de l’entreprise. Aujourd’hui, son rôle est plus complexe: l’entreprise a une relation plus transparente avec ses clients, les médias, ses actionnaires et ses salariés. Du coup, cela aboutit à un discours plus honnête. Pour montrer que l’entreprise a la capacité de respecter ce qu’elle dit. Le film corporate a trouvé sa grammaire, sa logique: ce discours de l’entreprise sur elle-même n’est plus le simulacre d’une autre communication, ni le simple reflet du discours du président.


Est-ce pour autant la fin de la langue de bois?

X.C. Non, il y a et il y aura toujours une forme de survalorisation. En revanche c’est la fin d’une certaine outrance promotionnelle dans le discours. Cela se retrouve dans le fait que les entreprises font davantage appel à leurs salariés pour s’exprimer, avec une certaine liberté. Autrement dit, il n’y a pas d’autorité supérieure qui leur dicte le discours. Cela devient un élément très important de cette communication d’entreprise. D’autant que les moyens de diffusion numériques sont beaucoup plus fluides, faciles, et permettent à l’ensemble du personnel de visionner ces films. Il y a un autre défi pour le film corporate: dans un monde en crise, il doit aussi changer notre relation à l’économie, contribuer à bâtir l’image d’une entreprise plus responsable et faire en sorte qu’il y ait moins de défiance du public vis-à-vis d’elle.  

 

 

Lagardère Entertainment met le cap sur le corporate

« Nous ne pouvons pas rester uniquement un producteur de télévision, dit Takis Candilis, président de Lagardère entertainment. Les marques cherchent aujourd’hui à communiquer autrement que via la publicité, avec du bartering, du placement de produits, mais surtout avec du brand content. Elles ont besoin de nourrir leur intranet, de communiquer sur le digital en b to b, en b to c, avec des déploiements très forts». Du coup Lagardère entertainment souhaite mieux faire travailler ensemble ses différentes sociétés de production ayant une activité digitale et corporate: Lagardère entertainment digital (dirigée par Rémi Tereszkiewicz), Tempora prod (Rémy Dessart) et le Lab 909 (Frédéric Joly). «Nous envisageons de créer un chapeau commun entre ces sociétés», précise Takis Candilis. A noter que Reservoir prod (Jean-Baptiste Claverie) est aussi en train de développer ses activités corporate. 

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